jeudi 31 décembre 2009

Bienvenue à l'Alliance pour l'Italie


Il y a un peu plus d'une semaine, si on se connectait au site de l'UDC, le parti de centre-droit de Pier Ferdinando Casini, un pop-up apparaissait souhaitant la bienvenue à l'API.



Cela a provoqué deux étonnements chez moi. Tout d'abord, même si les relations entre Casini et Rutelli sont apparemment bonnes, le départ de Bruno Tabacci de l'UDC pour l'API avait suscité toute une série de déclarations négatives... Curieux parcours, d'ailleurs, que celui de la Rose Blanche et de son ancien leader. Avant les élections de 2008, Bruno Tabacci et quelques autres quittent l'UDC (l'Union des démocrates-chrétiens et démocrates du centre) pour fonder le Mouvement fédératif civique populaire appelé aussi Rose Blanche. L'objectif consistait à regrouper les centristes qui souhaitaient s'allier avec le parti démocrate. Les choix stratégiques de ce dernier l'ayant conduit à ne s'allier qu'avec l'Italie des valeurs de l'ancien juge Di Pietro, finalement, la Rose Blanche s'était alliée avec l'UDC pour former l'Union de Centre. Malgré tout ce micmac, on peut comprendre la logique de Tabacci pour former un centre-gauche autonome plutôt que d'incarner une sensibilité plus sociale dans un parti de centre-droit.

La qualité des relations entre ces deux mouvements au centre de l'échiquier politique italien ne peut qu'interloquer un centriste français. L'API semble incarner le centre-gauche, d'origine sociale-chrétienne mais désormais laïcisé. Pour la presse anglo-saxonne, il s'agit de progressistes pragmatiques, appellation pour le moins fuligineuse à mon goût. On retrouve chez Francesco Rutelli la volonté de dépasser les clivages, de proposer une alternative aux reliquats de la sociale-démocratie italienne et au berlusconisme. En cela, il me paraît fondamentalement centriste. Or, le rapprochement semble en marche avec l'UDC qui incarne l'aile droite de l'ancienne Démocratie chrétienne. Cela est d'autant plus signifiant que leur dénominateur commun n'est pas un simple rejet du berlusconisme, l'adversaire désigné de l'UDC étant plutôt à chercher du côté de la Ligue du Nord. Ainsi, peut-être que l'année 2010 verra une recomposition du centre.

Deuxième source d'étonnement : le logo choisi pour l'API. Une fleur que j'ai d'abord pris pour une marguerite et qui en fait serait officiellement un fleur d'oranger, avec deux abeilles aux couleurs del'Italie. La fleur évoque assez clairement, il me semble, la filiation avec la Marguerite et les abeilles évoquent l'acronyme du parti (api signifiant abeilles). Selon les responsables du parti, ce logo évoque la sérénité... entre autre choses. Mais pour un français, on reste assez confondu devant une telle « audace » graphique. J'imagine toutes les moqueries qu'une pareille création aurait pu susciter ici. Il n'y a qu'à prendre les logos des trois partis issus du centre (MoDem, Alliance centriste et Nouveau centre) qui se contentent de mettre en scène leur nom et leurs couleurs pour se convaincre de son altérité.

Ce ne sont que des logos et, sans doute, le simple signe d'une différence culturelle, mais peut-être que les hommes politiques français du Centre seraient avisés de s'inspirer de leurs homologues italiens dans l'année qui vient.

mardi 22 décembre 2009

Un seul être vous manque...

La nouvelle n'a pas fait beaucoup de bruit, pourtant elle me semble lourde de conséquences. François-Xavier de Peretti a retiré sa candidature pour la tête de liste du Mouvement Démocrate en région PACA.

Cela constitue une drôle de surprise, ou plutôt un drôle d'éclaircissement. J'étais étonné que son nom n'ait pas fait partie des têtes de listes proposées début décembre alors que la chose paraissait entendue depuis bien longtemps. Déjà, lors des élections internes de septembre 2008, la rumeur courrait à propos de cette candidature. François-Xavier de Peretti avait (selon moi) l'expérience, le charisme et la notoriété pour mener ce combat électoral. Sauf à prendre un parfait inconnu comme Alain Dolium, l'éventail des possibles n'était, de toute manière, pas très large pour conduire pareille campagne mais peut-être fais-je preuve de bucco-rhodano-centrisme.

Contre toute attente, le leader du MoDem aixois s'est retiré. Or, pour l'avoir un peu côtoyé, il ne m'a jamais semblé faire face à quelqu'un de stupide ou de lâche, bien au contraire. Je vois donc dans ce refus une énième forme du délitement du MoDem, la raison invoquée - se tenir prêt au cas où l'élection municipale aixoise serait une fois de plus invalidée - ne me paraissant pas suffisante. A trois mois des échéances électorales, le parti de François Bayrou se cherche désespérément une tête de liste crédible. Même si j'ai quitté ce mouvement, cette nouvelle n'a rien de réjouissant...

L'électorat centriste se retrouve orphelin en PACA. Même si je n'ai pas compris ses choix depuis l'été dernier, François-Xavier de Peretti incarnait la filiation UDF du Mouvement démocrate. Il est douteux que l'Alliance centriste parvienne, moins d'un an après sa création, à monter des listes partout en France et le Nouveau Centre figurera sur celle du très à droite Mariani. Et ce ne sont pas les noms de Christophe Madrolle ou de Childéric Muller qui vont déchaîner mon enthousiasme...

lundi 21 décembre 2009

Vérité au-deçà des Alpes, erreur au-delà (?)

Pascal excusera ce piètre pastiche, mais l'adage relatif aux Pyrénées se prête bien à la déclaration de François Bayrou lors du congrès constitutif de l'Alleanza per l'Italia il y a dix jours à Parme.

Francesco Rutelli et François Bayrou co-présidant le PDE, la présence du leader du MoDem ne constitue pas vraiment une surprise. Quoique... On peut trouver cocasse qu'il assiste à la création d'un nouveau mouvement qui consacre l'échec de la fameuse stratégie à l'italienne de rapprochement entre le centre démocrate-chrétien et la gauche modérée (expression que je préfère à socio-démocrates, dont la définition me paraît trop imprécise). On peut trouver d'autant plus curieux le silence de la blogosphère démocrate (pour autant que je la connaisse) et plus encore du site officiel du mouvement qui ne fait aucune mention de cette participation. Or, le propos de François Bayrou n'était pas, semble-t-il, inintéressant. Sur le site de l'API, on peut y lire que (traduction approximative mais honnête par mes soins)  selon le président du MoDem : « Le bipolarisme est stupide. C'est un mensonge démocratique : le pluralisme consacre le pouvoir des citoyens et le bipolarisme celui des appareils ». On retrouve le discours de 2007, celui que l'on croyait perdu depuis l'été dernier, sacrifié sur l'autel du parlement de l'alternance.  

Je ne reviens pas sur les arguties et les contorsions démocrates entre maintien de l'autonomie tout en appelant à un rapprochement exclusif à gauche (mais parfois aussi avec une certaine droite... mais pas trop... la fameuse droite sociale). Après la disparition du corpus pour le congrès d'Arras de l' article de 2007 « Du centre au projet démocrate », l'invisibilité de cette déclaration en France ne fait que conforter ma sensation de malaise, de trouble, quant à la stratégie suivie par le MoDem.

Ce discours assourdi entre malgré tout en résonances, une nouvelle fois, avec les différents partis issus du Centre. Résumons : François Bayrou rappelle son exécration du bipartisme, mais de manière (quasi ?) honteuse, Hervé Morin découvre enfin que l'UMP, c'est le RPR, mais sans en tirer les conséquences, et enfin l'Alliance centriste rappelle par un communiqué de son porte-parole, Philippe Folliot, que « ce schéma binaire […] appauvrit l'offre et la réflexion politique ». Une nouvelle fois, donc, les centristes font preuve d'une certaine proximité sans parvenir, ni même chercher pour deux des trois formations précitées, le moindre rapprochement.

Le MoDem recherche son salut électoral à gauche, le Nouveau Centre ne s'agite médiatiquement que pour arracher quelques égards de la part de son maître UMP et l'Alliance centriste prêche dans le désert. Les mois passent, les impasses demeurent.


dimanche 8 novembre 2009

Le Parti Démocrate Européen (PDE) à la dérive ?

Musarder sur l'internet réserve parfois de drôles de surprises, notamment lorsqu'on se penche sur le site du Mouvement des Citoyens pour le Changement (MCC) belge. Dans son dernier bulletin, l'écho du citoyen, le mouvement de Gérard Deprez présente le PDE au bas de sa page 3 :

« Les principaux partis membres du PDE sont le MODEM en France, La Margherita en Italie, Darbo Partija en Lituanie, le PNV en Espagne (Pays Basque), Cesta Zmeny en Tchéquie, HZDS en slovaquie,… »

Le dernier élément cité fait froid dans le dos. Le HZDS est en effet le parti de Vladimir Meciar, plutôt réputé pour ses malversations, son incompétence, ses pratiques autocratiques et son passé eurosceptique. A priori, on est loin des valeurs d'un parti démocrate européen. Au printemps dernier, la rumeur avait couru et l'Hérétique s'en était fait l'écho, sans trop y croire.

Une vérification sur le site du PDE confirme cette adhésion subreptice. Peut-être que ce parti a évolué, mais Meciar est toujours à sa tête et il est toujours catalogué comme un « parti de droite/populiste - nationaliste ». Quand on sait que le ĽS-HZDS n'a qu'un seul député européen, je doute franchement de l'intérêt, même matériel, d'un tel recrutement, en dehors de celui de Meciar qui peut ainsi ripoliner sa réputation sur la scène européenne.

En définitive, après les dernières européennes, le PDE ressemble à un bateau fantôme. Il n'y aurait qu'une dizaine de députés relevant de cette étiquette au sein de l'ADLE : les six députés du MoDem, le député du DP lituanien, celui du PNV basque, Marian Harkin (indépendante irlandaise) et donc un député slovaque. C'est là que la lecture de la page relative aux partis membres du PDE est presque douloureuse. Il y a plus de partis membres que de députés au Parlement Européen.

Si on creuse, on se rend compte que la débandade est presque complète. Concernant les partis fondateurs, le MoDem a perdu près de la moitié de sa présentation entre deux législatures, la Margherita s'est dissoute dans le Partito Democratico qui siège dans le si joliment nommé groupe S&D (n'oubliez pas l'esperluette), le MCC n'a plus de député (à moins que Louis Michel intègre la commission et qu'ainsi Gérard Deprez récupère son siège) et le Darbo Partija a vu sa délégation divisée par cinq. Si Marian Harkin et le PNV ont sauvé leur siège, les tchèques de Cesta Zmeny et les chypriotes d'Evropaiko Komma n'ont jamais eu d'élus.

Parmi les nouveaux partis membres, outre les nationo-populistes de Meciar, on trouve un autre parti tchèque « Strana pro otevřenou společnost » (aucune info trouvée en dehors du site de ce mouvement, dont le sigle est SOS... correction de 22 heures 30 grâce au commentaire de Florian : il s'agit d'un petit parti libéral et écologiste, soutenant les divers partis libéraux SNK-ED, US-DEU, Cesta změny), le troisième parti de Saint-Marin, l'Alliance populaire, un parti polonais (Stronnictwo Demokratyczne) dont l'origine remonte à la république pré-seconde guerre mondiale mais qui semble-t-il ne joue plus aucun rôle (un seul député à la diète en 1991, et depuis plus rien) et enfin un autre parti tchèque (Europska Demokraticka Strana) qui semble très lié au KDU-CSL un petit parti centriste démochrétien (on remarque que le site du PDE en fait un parti slovaque, mais le KDU-CSL est tchèque, le site de l'EDS est tchèque...). Pour faire bref, il s'agit donc, semble-t-il, en dehors du HZDS et de l'Alliance Populaire, de groupuscules dans leurs pays.

Enfin, cette impression d'arche de Noé de petits partis est renforcée par l'hétérogénéité des positionnements nationaux de chacun des membres (j'ai assez largement utilisé le site de Laurent de Boissieu) :

  • le MoDem, centre (?) progressiste (?) recherchant à créer une alternance à gauche contre la droite sarkozyste

  • la Margherita n'existe plus et Francesco Rutelli a quitté le PD sans la recréer, il n'accepte pas le glissement à gauche de son mouvement

  • le Darbo partija est catalogué centre/populiste

  • le MCC : droite/démochrétiens (ce qui est peut-être un peu excessif, le MCC provenant du centre, du Parti social-chrétien qu'il a quitté pour former le Mouvement Réformateur avec les libéraux et proposer ainsi une alternative à la mainmise du Parti socialiste en Wallonie)

  • Cesta Zmeny est un parti libéral

  • le PNV est catalogué centre/démochrétiens – autonomistes

  • Evropaiko Komma, droite/unitaristes

  • ĽS-HZDS, droite/populiste – nationaliste

  • l'Alliance populaire est un parti libéral

  • Europska Demokraticka Strana, démochrétien ? et europhile

  • Stronnictwo Demokratyczne, centre ?

  • Strana pro otevřenou společnost (Parti pour une société ouverte), ? correction de 22 heures 30 grâce au commentaire de Florian : un parti libéral et écologiste

La déliquescence des deux principaux partis fondateurs (UDF et Margherita) n'est donc pas rattrapée par le dynamisme des autres membres. La cohérence de l'ensemble pose question. En Europe aussi, la synthèse démocrate est en panne.

jeudi 5 novembre 2009

La double tragédie du Centre (4)

Dernier volet de ce bilan personnel sur le Centre en France.


Face aux évolutions du Mouvement Démocrate, le Nouveau Centre se présente comme « l'UDF d'aujourd'hui ».

Ce parti porte le fardeau des conditions de sa fondation. L'image du traître qui tourne casaque entre les deux tours de la présidentielle leur colle à la peau. Il est vrai que je me souviens de la véhémence (presque outrancière) d'Hervé Morin sur les ondes d'Europe 1 contre le candidat Sarkozy, avant le premier tour. Quelle palinodie, juste après, pour agonir d'injures Bayrou expliquant qu'il ne votera pas pour le candidat UMP. N'ayant pas milité au Nouveau Centre, je ne peux faire le portrait de ce qui s'est passé, même si la presse a pu s'en faire l'écho. Toutefois, je ne crois pas que ce mouvement ne soit peuplé que de carriéristes ou d'arrivistes tout juste bons pour aller à la source et s'aplatir devant le totem UMP. Je ne peux m'empêcher de croire que Bourlanges dit vrai lorsqu'il écrit en post-scriptum de sa lettre sur le centrisme :

« Certains s'étonneront qu'après avoir adressé un message aussi sévère au président de l'UDF je me sois cependant rangé sous sa bannière lors de l'élection présidentielle. Je leur dois une explication : François Bayrou m'avait assuré, après réception de ma lettre, que s'il n'était pas présent au second tour, il favoriserait l'élection de Nicolas Sarkozy ». (Commentaire n°119, p.720)

Je peux comprendre que des députés en désaccord avec la ligne bayrouïste aient choisi de le quitter brutalement pour sauver leur existence politique. Il est toujours un peu facile d'être courageux pour les autres. Mais finalement, ils ont sauvé leur place pour en faire quoi ? Le Nouveau Centre serait à 3 % dans les intentions de vote, ce qui signifie que, sous peu, le NC va baisser pavillon comme lors des européennes et négocier des places sur les les listes UMP... encore une fois. Si le Nouveau Centre est l'UDF d'aujourd'hui, il incarne le concentré de ce que je n'appréciais pas en elle (ce qui a fait que je n'ai jamais pris ma carte du temps de l'UDF) : un centre suiviste, réduit à l'état de supplétif du tout puissant RPR. La valeur ajoutée centriste apportée à la majorité pose question. Ce parti s'enferme (se laisse enfermé ?) dans le rôle de voltigeurs anti-MoDem alors que Jean Arthuis endosse de plus en plus le rôle du poil à gratter centriste du pouvoir UMP.

Le dernier éditorial du centrisme a sans doute raison, les partis centristes sont au fond du trou. Les régionales seront, à mon sens, décisives : soit le centrisme disparaîtra comme force politique (par insignifiance électorale ou assimilation à un des deux pôles), soit sa déliquescence fera prendre conscience aux protagonistes de sa nécessaire refondation.

mercredi 4 novembre 2009

La double tragédie du Centre (3)

Troisième volet de ce bilan à propos du positionnement tactique du Mouvement Démocrate, après l'échec dans l'édification d'un parti unitaire et celui de l'élaboration d'une synthèse humaniste.


De cette diversité et de ces atermoiements naît un malaise quant au positionnement tactique du Mouvement Démocrate. Le 22 avril 2007, François Bayrou affirmait que la France avait enfin un centre. Dans son article de Commentaire, il appelle à un dépassement de ce terme, tout en voulant en conserver son héritage. Combien de fois ai-je entendu des propos moqueurs voire infamants sur le Centre et le Centrisme dans la bouche de « démocrates » ? Ni à droite, ni à gauche, ni au centre, nous sommes alternatifs (phrase à peu près exacte tirée d'un Conseil départemental provisoire des Bouches-du-Rhône). La semaine dernière encore, à propos de ses rapports avec la gauche, François Bayrou affirmait être au centre... Alors qu'à la Grande Motte, Jean-François Kahn traînait dans la boue le concept (repris il y a peu par Corinne Lepage). Certains affirment que la position du MoDem est au centre-gauche, sans véritablement définir le contenu... On dirait même un décalque du centre-droit vieille forme où la détermination du centre ne passe que par ses alliés et non pas par son corpus programmatique. On a aussi entendu cet été l'expression de centre progressiste. Il est curieux d'aller chercher un terme du vocabulaire de la gauche pour définir son originalité intrinsèque. « Or, chaque fois qu'on accepte la langue de ses adversaires, d'une certaine manière on a perdu d'avance ». Bayrou le disait lui-même en 2007 (Commentaire n°117, p.722). Peut-être avait-il à l'esprit le Parti du Congrès indien, mais ce serait oublié que derrière les mesures sociales de Sonia Gandhi, il y a aussi les réformes libérales de Manmohan Singh. C'est dire si une nébulosité très dense enserre le Mouvement Démocrate.

Cette imprécision a eu une illustration éclatante cet été. Corinne Lepage voulait siéger avec le groupe écologiste au Parlement Européen, tandis que le PDE était décapité par le départ des anciens de la Marguerite italienne au PSE. Sagement, François Bayrou a préféré demeurer dans le groupe libéral... pour qu'à la fin de l'été, on nous explique doctement qu'il fallait faire émerger le camps de l'alternance au pouvoir sarko-umpiste. Mais les mains tendues successives au PS et à Europe Écologie ont reçu une fin de non recevoir ou presque. L'image du parti n'est qu'un peu plus écornée : triste scène que de voir les leaders oranges faire la danse du ventre devant la gauche pour sauver quelques élus tout en voulant préserver les apparences d'un dialogue politique digne. 

Un quatrième échec électoral serait lourd de conséquences. Les premiers sondages donnent le MoDem péniblement à 7 %, voire moins. Impossible de se maintenir au second tour mais la fusion est possible à ce niveau. Avec qui ? Surtout pas l'UMP, considérée comme un bloc... mais avec la gauche. Du moins, la gauche que l'on apprécie : Peillon et ses amis pour le PS (qu'on aura tôt fait de rebaptiser socio-démocrates pour montrer l'évidente proximité avec eux, même si cette appellation en France est parfaitement vide de sens), ou bien Europe Écologie (mais pas trop les Verts, un ramassis de gauchistes... qui en plus ne nous apprécient pas). Le problème réside dans notre position de faiblesse pour aborder ces discussions de second tour, d'autant que la possibilité d'union dès le premier a été très sérieusement envisagée. La posture d'indépendance annoncée il y a quelques jours s'apparente à un pis aller... De l'autre côté, il reste une nostalgie de la gauche plurielle, ou plutôt de sa logique. Et au second tour, après l'évidente entente PS/EE, entre le Front de Gauche et le MoDem, leur cœur risque de ne pas balancer longtemps. Comme il a déjà été dit au PS, on peut récupérer les voix sans faire des montages électoraux complexes. Les voix démocrates, oui, les élus démocrates, non. De plus, ce positionnement (autonomie au premier tour, alliance à gauche au second) expose le parti à un triple écueil : les électeurs de centre-droit (un reliquat UDF ?) pourraient se réfugier dans un vote Nouveau Centre ou Alliance centriste, les centristes extrêmes ne plus se déplacer, du fait de l'abandon objectif de la ligne d'indépendance et les électeurs de centre-gauche opter pour un vote utile à gauche dès le premier tour. Je ne crois plus aux vertus soudaines de la réflexion démocrate qui permettrait par un programme novateur d'emporter l'adhésion des masses (si l'électorat se déterminait seulement sur les programmes, depuis le temps, on le saurait). D'autres s'abusent en imaginant une troisième voie Modem/Europe Écologie... l'écologie n'étant ni de droite, ni de gauche... ce n'était déjà pas vraiment une science, alors en faire une idéologie, c'est assez scabreux... 

Ainsi, l'état actuel du MoDem donne raison à Jean-Louis Bourlanges. Dans sa lettre sur le centrisme (publiée elle aussi dans le numéro d'automne 2007 de Commentaire) et dans son discours au dernier conseil national de l'UDF, il annonçait tous les écueils sur lesquels le MoDem s'est fracassé au cours de ces deux dernières années. Les arguties démocrates actuelles pour justifier le nouveau positionnement tactique du Mouvement constituent un monceau de spéciosités. J'en veux pour preuve ces morceaux choisis :

« Sommes-nous voués, comme citoyens, à n'avoir le choix qu'entre deux options politiques, l'option néo-conservatrice ou l'option archéo-socialiste, alors que nous croyons qu'elles sont toutes deux erronées et promises à l'échec parce que ne répondant ni à l'attente des citoyens ni à celle des temps. » (Commentaire n°119, p.721)

« Le projet démocrate est gravement en contraste et en opposition avec le projet socialiste » (Commentaire n°119, p.729)

Il ne m'a pas semblé que le PS ait bouleversé sa ligne au point d'infirmer ces déclarations.

Après deux ans de militantisme actif au sein du MoDem, il me semble que les raisons qui ont présidé à mon engagement ne sont plus. Le Mouvement Démocrate n'est pas (plus ?) une formation qui cherche à constituer une troisième voie qui dépasserait les impasses du socialisme ou du libéralisme conservateur en sublimant l'héritage des centres en France. Ou, si j'ai mal compris et que cela demeure effectivement l'objectif final dans les hautes sphères du MoDem, les moyens mis en œuvre ne me paraissent ni adaptés, ni justifiés, ni mêmes opératoires. Je n'ai pas renouvelé mon adhésion et ne trouve aucun argument valable pour le faire. 

La pensée de François Bayrou demeure intéressante à plus d'un titre. L'offre politique du Mouvement Démocrate peut s'avérer ponctuellement la meilleure (ou la moins mauvaise), mais pour consacrer, avec sincérité et abnégation, une partie de son existence à la chose politique, il faut davantage qu'une adhésion de surface


mardi 3 novembre 2009

La double tragédie du Centre (2)

Première partie de ce bilan ici.


Le problème de l'hétérogénéité du Mouvement Démocrate s'est posé avec d'autant plus d'acuité que la ligne « idéologique » (ou programmatique, ce terme devrait être plus juste...) n'a jamais été clairement fixée. Certes, des bases ont été posées à Seignosse, à Villepinte, au Cap Estérel... mais force est, à nouveau, de constater que le Mouvement n'a jamais tranché véritablement sur son identité. Il suffit de lire les propositions du parti sur le site officiel ou sur les blogs démocrates pour se rendre compte qu'on procède toujours par accumulation. Être démocrate, c'est être humaniste, solidaire, écologiste (ou pour le développement durable, voire pour le développement soutenable), un peu libéral (mais pas trop)... Cela cache mal la faiblesse du mot démocrate pour distinguer une famille politique. Il ne viendrait à l'esprit de personne de dire que ceux qui n'appartiennent pas au MoDem ne sont pas pour la démocratie. Ce terme n'a aucune épaisseur historique ni une singularité véritable en France, au contraire des États-Unis. Et pour l'instant, François Bayrou a échoué à lui donner un contenu positif. Il y a des idées souvent bonnes dans Projet d'espoir, dans Abus de pouvoir, dans les ouvrages de Jean-François Kahn, de Marielle de Sarnez ou de Corinne Lepage. Mais on saisit mal la cohérence d'ensemble, la racine commune. La diversité a ses vertus, encore faut-il qu'elle soit un tantinet ordonnée.

L'article fondateur « Du Centre au projet démocrate » paru dans Commentaire à l'automne 2007 constituait une première ébauche. Avec le recul, il s'apparente en fait à un point d'orgue de la réflexion démocrate. Au lieu de subsumer la diversité des aspirations démocrates, le discours du mouvement s'est effiloché en thèmes voire interprétation différents... Les positions dissonantes de Cap 21 en sont une expression. Surtout, certaines affirmations ont été oubliées. La critique de l'État thaumaturge a disparu de la ligne officielle. L'allusion à une Europe Fédérale a été largement minorée au cours de la dernière campagne. Faites l'expérience suivante : lors d'une réunion du Mouvement Démocrate, reproposez certaines idées du programme présidentiel de 2007. On vous traitera « d'UDF de droite » (ce qui pour ces personnes revient à un pléonasme, et oui pour certains, le MoDem devait – doit – servir à la rénovation de la gauche). De telles divergences rendaient d'autant plus illusoire la constitution d'un parti unitaire. La publication récente du document de travail pour le congrès d'Arras ne me fait pas varier dans cette appréciation. On empile les valeurs, mais on cherche l'épine dorsale qui expose de manière éloquente la singularité de notre famille de pensée. Dans son article de 2007, malgré les allusions au rapport entre hasard et nécessité ou au culte de l'argent, François Bayrou n'évoque plus la référence démocrate-chrétienne, lui qui en a été un défenseur au CDS... Le recours à la notion d'humanisme pouvait constituer comme en Belgique un moyen de séculariser ce corpus d'idées... Mais là où le cdH (Centre démocrate humaniste) wallon est capable de produire des textes comme Le sens du politique de Laurent de Briey, qui pose ce qu'est fondamentalement l'humanisme démocratique, le Mouvement Démocrate ressasse les mêmes références éparses entre Marc Sangnier, Montesquieu et des mots d'ordre « écologistes » (liste non exhaustive bien évidemment).

Certains exciperont alors la vieille antienne sur la jeunesse du mouvement, sur le caractère profondément novateur de la synthèse « démocrate ». La lecture de l'ouvrage de Marie-Nelly Denon-Birot De la démocratie chrétienne à Force Démocrate (1) vous ouvrira les yeux. Dans les pages 187 et suivantes, cet auteur reproduit la charte des valeurs de Force Démocrate (créée en 1995). La confrontation avec l'article de Bayrou de 2007 s'avère éloquent. Tout y était déjà. Dans le même ordonnancement ou presque, écologie y compris... (à l'époque le rôle de CAP21 et des quelques verts ralliés devait être tenu par Génération Écologie). Le Mouvement Démocrate n'est pas une innovation, c'est une redite amplifiée. Cependant, là où Force Démocrate a sombré à partir de 1997, le contexte électoral de 2007 nous a fait croire que ce pari pouvait être réussi. En vain. La définition d'un humanisme démocratique à la française, en près de quinze ans, n'a pas progressé. L'empilement de valeurs vaguement définies permettent toutes les interprétations qui, de fait, cohabitent difficilement dans un parti unitaire.


(1) Marie-Nelly Denon-Birot, De la démocratie chrétienne à Force Démocrate, L'Harmattan, Paris, 2000, 206 pages.

lundi 2 novembre 2009

La double tragédie du Centre (1)

Ce qui suit est issu de la fusion de plusieurs idées de billets, restés à l'état de brouillon. Du fait de sa longueur, il a été divisé en quatre. En voici le premier volet.


Les prises de position actuelles des différents partis issus du Centre permettent de tirer un bilan des deux années qui ont suivi l'adhésion de l'UDF au Mouvement Démocrate. 

En 2007, deux tendances se sont dégagées dans la famille centriste : une proclamant la nécessaire indépendance du Centre pour perturber le fonctionnement bipolaire du système électoral français, l'autre affirmant la nécessité de rester arrimé au grand parti de droite pour exister.

François Bayrou a porté avec panache l'idée d'un Centre indépendant. La tenue programmatique de la campagne présidentielle et le score du premier tour ont soulevé un enthousiasme certain, identifiable à une vague nouvelle d'adhésions. Enfin, le centre français affichait son indépendance face au RPR. De quoi sauter le pas de l'engagement politique pour les sympathisants UDF, mal à l'aise devant la vassalisation de la famille centriste jusque là. Deux ans après, force est de constater que cette entreprise a fait long feu. L'échec, me semble-t-il, porte sur trois aspects : la structure partisane, le déficit idéologique et le positionnement stratégique.

Pour qui a assisté à des réunions MoDem au début de l'été 2007 (dans les Bouches-du-Rhône et sans doute ailleurs), il y avait de quoi être médusé. Naïvement, j'avais cru que la nouvelle structure consistait à élargir l'UDF libre. En fait non. La plupart des nouveaux adhérents voulaient en finir avec l'ancienne structure UDF et ses cadres. Leur entrée récente en politique ou le départ de leur précédente formation fondaient, en soi, leur légitimité. Un élu UDF (même fidèle à la ligne Bayrou) incarnait nécessairement une politique du passé, une subordination aveugle ou latente à la droite et un refus de pratiques authentiquement démocratiques que le nouveau parti devait porter. Ici bas, c'était l'anarchie et des engueulades interminables. Simple crise de croissance ? Non, docteur, c'était pire. François Bayrou avait réussi a faire une campagne populaire sans les dérives basistes du protocole mis en place par Ségolène Royal... Or, mutation curieuse, l'élection présidentielle passée, le MoDem a été submergé par une vague basiste. Le petit et le sans grade se trouvaient beaucoup plus légitimes qu'un élu, un cadre ou un responsable au seul prétexte qu'il était nouveau sous la bannière orange.

Il me semble donc que le départ des députés UDF a fait beaucoup plus de mal au nouveau mouvement que prévu. J'ai ici un désaccord avec l'excellent Bob qui sur son blog affirmait récemment : « La différence c'est peut-être aussi que Bayrou a une responsabilité dans ce qu'est aujourd'hui le NC, alors que les fondateurs du NC n'en ont aucune dans la situation actuelle du MoDem. » Et bien non, le départ des députés a décrédibilisé la volonté d'indépendance de l'UDF libre aux yeux des nouveaux soutiens de François Bayrou. Finalement, cette UDF-là, c'était bien la droite et que la droite... De plus, cela a décapité une partie des fédérations, contribuant un peu plus au bazar démocrate. Au cours de cet été 2007, le mouvement naissant a été plongé dans une forme d'anomie. Seignosse n'ayant rien tranché, la tardiveté du congrès de Villepinte (sans doute due à des difficultés matérielles) n'a pas arrangé cet état de fait... Surtout que les premières véritables élections du nouveau mouvement (les législatives n'étaient qu'une forme de redite par rapport aux présidentielles), les municipales, se préparaient déjà... Ces élections ont révélé une chose : comme toutes les familles politiques, les démocrates avaient attiré à eux un ensemble hétéroclite d'arrivistes, recherchant une étiquette porteuse pour satisfaire leur soif de conquête électorale. En dehors du président-fondateur, il n'y avait pas, localement, d'autre instance de légitimation. Tout était permis ou presque. Au lieu d'appliquer des statuts et de respecter des règles, on a vu se développer des réseaux plus ou moins informels, issus d'anciennes allégeances... Ne t'inquiète pas, j'ai eu untel au téléphone, j'aurai l'investiture... Avec de telles pratiques, il n'est pas étonnant qu'il y ait eu des étincelles entre nouveaux adhérents et structure UDF restante. Les Bouches-du-Rhône en ont donné un exemple tristement célèbre... Pour Arles et Marseille, les anciens UDF furent désavoués au profit d'anciens verts : il fallait montrer le visage d'un parti rénové. Après tout, soit. Mais ce maelström, dans ce contexte, a été très mal géré (pouvait-il en être autrement ?). Il a fait éclater au grand jour l'ambiance de guerre civile qui régnait dans le mouvement. Finies les envolées lyriques, bienvenue à la politicaillerie de bas étage. Un mouvement unitaire ? Non, plutôt une armée mexicaine... Les défaites se succédant, l'enthousiasme est retombé. La constitution des mouvements départementaux n'a pas arrangé la situation. Au contraire, elle a été l'occasion de solder les comptes après les municipales. Le militant orange s'est fait plus rare lors de la campagne européenne... et il y a fort à parier que la situation ne sera pas meilleure pour les régionales. Ceux qui voudraient réduire ce phénomène à un simple effet de mode qui s'estompe se trompent. Il y a surtout eu une profonde désillusion de voir que, pour beaucoup, les ennemis du MoDem se trouvaient déjà dans le parti et qu'il fallait les marginaliser. En définitive, les difficultés de construction du MoDem ont largement résidé dans cette difficile quête de légitimité des adhérents et dans sa reconnaissance par les autres, en dépit du travail d'une armée de médiateurs...

Le choix, justifié dès 2007 par François Bayrou, d'un mouvement unitaire a ainsi obéré le développement de notre famille politique. En juillet 2007, à Marseille, le leader orange avait expliqué ce choix : il ne fallait pas réitérer les erreurs de l'UDF confédérale et ses chicaneries perpétuelles. Il est vrai que faire l'histoire de l'UDF « giscardienne » de 1978 à 1998, c'est porter le regard sur des luttes continues de préséance entre grandes et petites formations, entre les démocrates-chrétiens et les libéraux. Mais, en définitive, le Mouvement Démocrate « unitaire » a-t-il fait mieux ? Au bout de deux années, on trouve le même bazar, les succès électoraux en moins. La famille centriste (ou centripète) est trop diverse pour être enfermée dans une construction monolithique. Le génie de Giscard était de l'avoir compris, l'orgueil de Bayrou a été de vouloir s'en affranchir. L'enthousiasme de 2007 nous a aveuglé sur la profonde hétérogénéité et l'irréductibilité de l'électorat bayrouïste.

dimanche 1 novembre 2009

Echo d'Italie : Francesco Rutelli quitte le Parti Démocrate

Ce départ ne constitue pas en soi une surprise. L'ancien leader de la Margherita s'était déjà montré très critique sur l'évolution de son nouveau parti. L'élection de Bersani la semaine dernière l'a convaincu de quitter le navire.

Dans son entrevue au Corriere della Sera, il explique que le Parti Démocrate n'est pas véritablement né puisqu'en définitive, il s'agit d'un parti démocratique de gauche avec un nombre important de personnes de centre-gauche. Il évoque ainsi quatre arguments pour justifier son départ. Tout d'abord, il évoque trois conditions qui avaient été posées au moment de la dissolution de la Marguerite dans le PD : ne pas confluer dans le socialisme européen, rénover les rapports entre la classe politique et la société civile et offrir une proposition politique originale. Or, aucune de ces trois conditions n'a été respectée : le PD siège au sein du PSE au Parlement Européen, le PD a conservé les liens traditionnels de la gauche italienne avec la CGIL (l'équivalent de la CGT italienne) et le PD n'a pas été capable de proposer une synthèse originale. À ce propos Rutelli fait un constat sans appel sur la sociale-démocratie, norme idéologique objective de son ancien parti :

« Je ne rejette pas absolument la sociale-démocratie. En effet, si nous étions en 1982, je dirais que je l'admire. Mais nous sommes en 2009 : c'est une expérience historique qui n'a aucune chance de parler à nos contemporains. Il n'y a plus les usines, les syndicats et les structures sociales du XXe siècle. »

Ainsi, le PD n'est qu'une énième forme de la gauche italienne succédant « naturellement » au PCI, au PDS et aux DS.

Francesco Rutelli, qui a co-fondé le Parti Démocrate européen avec François Bayrou, annonce une force politique nouvelle, afin de s'opposer au populisme de droite, dont les partenaires privilégiés pourraient bien être les démocrates-chrétiens de l'UDC.

Comparaison n'est pas, toujours, raison, mais l'exemple italien devrait donner à réfléchir aux centristes français qui ne jurent que par une alliance à gauche pour mettre en échec le pouvoir sarkozyste.


jeudi 24 septembre 2009

Vous avez dit "large rassemblement" ?

Dire que j'ai des doutes sur la ligne tactique du MoDem depuis août dernier (alliance à gauche à l'exclusion de tout autre partenaire pour former l'alternance) procède de l'euphémisme. Au-delà de mes convictions personnelles, il me semble, empiriquement, que cette façon de faire n'est pas efficace et contribue au délitement du Centre en France.

Aux municipales partielles d'Aix-en-Provence, de Perpignan ou d'Hénin-Beaumont, les listes Gauche/MoDem ont échoué. Récemment, plusieurs résultats de cantonales partielles (une élection plus politique, où l'étiquette joue un plus grand rôle) sont proprement catastrophiques : Argenteuil-Est 2,24 % pour le candidat MoDem, sixième canton de Nice 2,92 %. Dans ce cas, la candidate de l'Alliance centriste parvient même à faire mieux (3,35 %)...

Aussi, il y avait de quoi être surpris en lisant la Provence du 23 septembre. Le délégué départemental de la Fédération des Bouches-du-Rhône, Christophe Madrolle, nous explique que « les dernières élections de Briançon ont démontré qu'un large rassemblement, de la gauche au MoDem, était une stratégie qui se révélait payante ». Dont acte, mais avant cela, croisons les sources d'information.

Rien sur le blog MoDem des Hautes-Alpes... La liste gagnante étant celle de M. Fromm, un petit tour sur son site de campagne s'impose... Une belle guirlande d'étiquettes des Verts au NPA en passant par le PS, le PCF et Europe décroissance... mais du Mouvement Démocrate, pas la moindre trace, sauf peut-être la couleur orange. Parmi les co-listiers, sauf erreur (ou absence de mise à jour) rien non plus. Le candidat du MoDem, Michel Sylvestre, qui a perdu 4 % entre deux municipales, ne dit rien sur son blog qui ne fait même pas apparaître le logo du Mouvement. On peut à peine lire un communiqué du 21 septembre pour accuser la candidate UMP d'avoir précipité sa défaite en refusant de le rencontrer. Rien sur une éventuelle fusion. Et pour cause, il n'y en pas eu... Pas même une consigne de vote...

La presse parle d'une victoire de la gauche et rien d'autre. Il n'y a pas à dire : la stratégie du grand rassemblement a été payante... pour la gauche. Le MoDem, lui, n'a obtenu aucun élu ni aucune concession sur le programme municipal. Un bel exemple porteur d'espérance pour l'avenir, à n'en pas douter...

Décidément, le crapaud est frit...

jeudi 17 septembre 2009

La communication du MoDem 13 – Mieux vaut moins mais mieux...

À quelques jours d'intervalle, la présidence collégiale du MoDem13 s'est signalée par une communication que d'aucuns pourraient trouver, au moins, discutable.

Première sensation curieuse à la lecture du communiqué de presse tombé dans ma boîte mail lundi dernier(1). Voici :

Hortefeux, le ministre de la honte

Le MoDem des Bouches du Rhône dénonce fermement les propos racistes tenus par le ministre Brice Hortefeux. Nulle personne de bonne foi ne peut sincèrement croire aux explications alambiquées du ministre. M. Hortefeux a démontré, s’il en était besoin, qu’il n’avait rien à envier au Front National et que le racisme ordinaire est bien ancré dans l’esprit de ceux qui nous dirigent aujourd'hui. Nous rappelons que les propos racistes sont un délit dans notre pays 

   Le MoDem n’oublie pas que Marseille a été aussi libérée par des français venus d’Afrique qui ont versés leur sang pour que nous puissions aujourd'hui vivre libre et nous exprimer…..au risque de se voir salir par un  ministre de la république.


Saïd Ahamada

Vice président et porte parole du MoDem des Bouches du Rhône


Après avoir appris que la présidence collégiale avait été considérablement élargie (pourtant, il y avait déjà sept personnes...), on découvre que la fédération des Bouches-du-Rhône a un porte-parole. C'est toujours une bonne chose de se structurer, quoique...

La gestion du temps s'avère désastreuse. Oui, les propos du ministre sont navrants, mais tout le monde l'a déjà dit (en dehors de la droite UMPiste) et ce communiqué n'apporte rien (2). Le nouveau porte-parole se paie même le luxe d'ajouter une balourdise supplémentaire en évoquant la libération de Marseille en 1944... Ces faits changent-ils la nature des propos de Brice Hortefeux ? Et quand bien même Marseille aurait été libérée par les seuls Américains en 1944, cela absoudrait-il le ministre de l'Intérieur ? Non. On aurait pu, par contre, mettre en avant le facteur aggravant de la communication de crise de la place Beauvau. En plus des propos tenus, on a pris les électeurs pour des idiots en affirmant qu'il parlait des photographies ou des auvergnats. Cela rappelle presque un sketch des Inconnus. Interdit de rire...


Deuxième sensation curieuse aujourd'hui avec la déclaration du co-président et du délégué départemental du MoDem 13 (exit le porte-parole) à propos de la phrase de Jean-Claude Dassier sur sa présidence à l'OM qui ne sera ni « à la libanaise, ni à l'africaine ».

« Après les propos de Brice Hortefeux, ceux de Jean-Claude Dassier sont complètement déplacés et insultants pour Pape Diouf. Nous tenons à rappeler que Marseille est une ville multiculturelle, d'accueil, de solidarité et d'espérance ».

Peut-être y avait-il une intention malveillante de la part de Jean-Claude Dassier, mais il y a fort à parier, en l'occurrence, que cela concerne avant tout une rivalité d'ordre personnel. Et puis surtout, la déclaration n'est pas si absurde en soi. Le contraste entre la présidence libanaise, constitutionnellement faible et les présidences africaines, assez peu souvent démocratiques (voire autoritaires), paraît signifiant. Certes, cette déclaration, dans un contexte sans doute tendu (ce qui expliquerait la fuite), est malheureuse, mais fallait-il politiser cette affaire ? Le fait que Marseille soit « une ville multiculturelle » change-t-il quoique ce soit au fait qu'en dehors des pays comme le Ghana, l'Afrique du Sud ou le Sénégal, les états africains relèvent rarement de la démocratie libérale et pluraliste ? Les marseillais, quelle que soit leur origine, le savent.  

La communication constitue une dimension obligée de l'action politique, mais encore faut-il le faire à bon escient. Entre suivisme et politiquement correct éculé, on cherche la pertinence et surtout l'originalité de ces dernières déclarations.

(1) À ce propos, malgré la date qui figure aujourd'hui sur le site de la Fédération (le 12 septembre), le communiqué n'y figurait pas lundi dernier, 14 septembre...

(2) Sauf erreur de ma part, le site national n'a pas jugé bon de faire apparaître de communiqué spécifique à ce sujet.

mercredi 16 septembre 2009

Revue de Commentaire : les élections européennes des 6 et 7 juin 2009

Le numéro 127 de la revue Commentaire, qui vient de paraître, contient un article très éclairant sur le scrutin de juin dernier dont voici quelques traits.

A droite, Pierre Martin note que les faibles résultats (27,9 %) pour l'UMP-NC « correspond eux aussi, contrairement à de nombreuses analyses, à un vote sanction contre le pouvoir gouvernemental et Nicolas Sarkozy », notamment par l'électorat ouvrier. L'auteur remarque également l'écart entre la droite française et ses homologues allemande (37,9 % pour la CDU-CSU) et italienne (34,7 % pour le PDL de Berlusconi), alors que ces trois partis se trouvent dans des situations très semblables.  

Pour le PS, la déroute proviendrait de la défection de deux composantes de son noyau électoral : « les cadres moyens et supérieurs d'orientation culturelle libérale (les « bobos ») et les milieux populaires urbains à forte proportion de Français d'origine immigrée ». Les premiers ont voté Europe Ecologie, les seconds se sont largement abstenus. Du coup, les listes PS doivent leur salut à leur électorat traditionnel (« milieux ruraux de tradition gauche laïque, anciens milieux ouvriers »).

Enfin pour le centre, l'analyse des résultats recoupent quelques-unes des intuitions contenues dans ce billet.

"Au centre, le MoDem de François Bayrou subit un net échec, mais il est très exagéré de parler d'effondrement comme certains commentateurs, car il obtient quand même six sièges, les principaux candidats têtes de liste étant élus sauf dans la circonscription Centre où il n'y avait que cinq sièges en jeu. En fait, le MoDem obtient avec 8,5 % un résultat proche de celui des législatives (7,6 %), et cela n'est pas par hasard. Comme aux législatives de 2007, l'analyse des résultats montre que le MoDem ne rassemble que les suffrages des électeurs venant du centre droit, surtout de l'ancienne UDF, que François Bayrou a entraînés dans sa rupture avec la droite, mais qu'il a perdus au profit de l'UMP-NC la partie la plus droitière de l'électorat UDF de juin 2004. Il ne bénéficie pas significativement de suffrages venant de la gauche, y compris des électeurs qui avaient voté pour lui au premier tour de la présidentielle et étaient retournés vers le PS (et vers les Verts) aux législatives. Ce sont les listes écologistes menées par Daniel Cohn-Bendit qui ont absorbé les pertes socialistes. La géographie électorale du MoDem reste marquée par celle du centrisme : Ouest normand et breton, sud du massif central, Est alsacien et lorrain. François Bayrou paye sa forte implication dans la campagne sur des thèmes nationaux et sa polémique avec Daniel Cohn-Bendit. Son principal échec reste son incapacité à attirer des électeurs de gauche alors que le PS est en grande difficulté".

De quoi s'interroger sur la stratégie "démocrate" à l'œuvre depuis ces élections...


Toutes les citations sont tirées de l'article « Les élections européennes des 6 et 7 juin 2009 » de Pierre Martin, in Commentaire n°127, automne 2009.

dimanche 13 septembre 2009

Katyn, l'étrange mémoire

Cela commence en mars dernier dans la Nouvelle Revue d'Histoire.


Pour qui s'intéresse à l'histoire militaire ou aux domaines délaissés depuis l'Ecole des Annales, elle constitue un complément agréablement écrit de la revue L'Histoire, à une réserve près : son comité de rédaction est réputé très à droite. Aussi, faut-il prendre du recul par rapport aux articles un peu trop éditorialisés, pour ne pas dire orientés. La lecture critique, ici plus encore qu'ailleurs, s'impose. Le caractère tranché des avis qui y paraissent ont au moins le mérite de décentrer le lecteur habitué aux publications plus académiques.


Dans son numéro 41 en date de mars-avril 2009, la NRH comportait dans sa rubrique « l'Histoire à bout portant » (ce qui constitue en soi tout un programme...) un article intitulé « Katyn à la trappe ». C'est à cette occasion que j'ai appris l'existence du film d'Andrzej Wajda et de ses difficultés de distribution en France. N'étant pas spécialement cinéphile, j'avais une idée peu précise de la filmographie de ce cinéaste, mais, si j'avais dû citer un réalisateur polonais, ce nom me serait venu à l'esprit juste après Kieslowski. L'article se veut polémique en commençant par la question suivante « Qui le film du Polonais Wajda gêne-t-il en France ? ».


L'auteur, Norbert Multeau, explique dans son papier que Wajda n'est plus en odeur de sainteté pour « l'intelligentsia française » depuis Danton en 1982. Il rappelle les faits ainsi que le lien personnel du cinéaste avec le massacre de Katyn puisque son père a fait partie des victimes. Enfin, il décrit à grands traits le long métrage, le parti pris des victimes et de leur famille, avant de de finir sur la scène terminale du massacre proprement dit. Il conclut par ses mots : « Si ce film n'avait qu'une vertu, ce serait celle-là : prouver que l'histoire est toujours à réviser, nonobstant les vérités officielles et les « lois mémorielles ».


Autant dire que cet article a piqué ma curiosité. Dès que le film a été à l'affiche d'un cinéma dans les Bouches-du-Rhône (avec moins de quinze copies pour la France, il valait mieux ne pas attendre), je suis allé voir cette œuvre que les critiques jugaient trop académique. Plusieurs constats. La description du film de Norbert Multeau s'avère assez juste. On peut insister sur la retenue du film qui ne sombre pas dans le mélodrame historique, sur l'utilisation parcimonieuse mais saisissante de la musique de Penderecki. En revanche, il n'y a pas de grandes révélations dans le film (était-ce son but d'ailleurs ?). Le massacre de Katyn est connu, comme les implications du pacte germano-soviétique, ou même la douloureuse après-guerre pour une Pologne à qui Staline n'a pas laissé le choix de son devenir. Œuvre de fiction, Katyn de Wajda rend sensible le destin polonais, éventuellement, elle vulgarise cette part d'histoire nationale. Aussi, je rangeais les « vérités officielles » évoquées par Norbert Multeau parmi les traits strictement polémiques de la NRH.


Tempête dans un verre d'eau ? Je me le suis dit en sortant de la salle. Le cinéma connaît une période difficile, Katyn ne serait pas le dernier film à voir son audience réduite par une distribution au lance-pierres. D'ailleurs, la revue de presse de Commentaire (n°125) reprend un article de Bernard Père paru dans le Figaro qui fait l'éloge du film en s'étonnant du peu d'entrain suscité en France. Affaire classée ? Ce n'est pas certain. Je m'étonne de l'écart entre le titre original de l'article – Pourquoi Katyn gêne-t-il toujours ? – et celui choisi par la revue – Ne pas oublier Katyn. Drôle de conjonction entre la NRH et le Figaro...


Pas si drôle que cela en fait. Le numéro 126 de Commentaire relaie une réponse d'Adam Michnik à l'article du 1er avril de Jean-Luc Douin parus tous les deux dans le Monde. Ce dernier fait deux critiques au film de Wajda. « La première concerne le renvoi dos à dos des nazis et des Soviétiques comme prédateurs du territoire national. (…) le film est conçu comme une bombe antisoviétique*. » Selon l'auteur, « ces exécutions de masse sont conçues comme un nettoyage de classe ». La motivation change-t-elle la nature et la gravité du massacre ? Est-il plus horrible de massacrer des gens parce qu'ils sont polonais ou parce qu'il s'agit d'ennemis de classes ? Je ne pensais pas que ce type de raisonnement était encore possible.


« La seconde est l'étrange confusion entre Katyn et le génocide des juifs*. » Diable, j'ai vu le film sans y prêter attention. « Rien, aucune allusion, dans le film, sur la Shoah, mais une description des rafles, de la traque des familles d'officiers polonais, comme s'il s'agissait de la déportation des juifs en camps. Détail troublant : ces proies d'un massacre programmé sont viscéralement attachées à leur ours en peluche. Or le Musée Yad Vashem de Jérusalem a fait de l'ours un symbole de l'extermination des enfants juifs, du martyre d'un peuple*. » On reproche donc à un film sur les victimes de Katyn de ne pas traiter de la Shoah... Ainsi, on accuse un film de confusion parce qu'il ne traite pas ce qu'il ne s'est jamais proposé de traiter. Est-ce qu'il tait quelque chose d'inconnu ? Non, bien heureusement. Mais cette critique a ceci d'abjecte qu'elle instaure une concurrence des mémoires. « Le juif n'existe pas. La victime de la seconde guerre mondiale, c'est le Polonais*. » Non, les victimes de Katyn, ce sont les Polonais. C'est là le sujet du film, son parti pris. L'accusation voilée d'antisémitisme paraît incongrue et surtout mal venue, comme s'il s'agissait de décrédibiliser l'œuvre dans son ensemble.


Les conclusions des deux articles repris dans Commentaire (Adam Michnik puis Leonid Heller) :


En conclusion, la critique du Monde constate « l'ambiguïté de la représentation des juifs dans le cinéma polonais ». or le cinéma polonais n'est pas un monolithe, il est représenté par une multitude de personnalités, de perspectives, de styles/ C'est pourquoi il est insensé de généraliser cette question, comme il est insensé de reprocher à Wajda d'avoir polonisé le symbole du martyre du peuple juif – l'ours en peluche.


Résumons, le Monde a publié un article confus, anachronique, récupérant un sujet grave pour se complaire dans des clichés anti-polonais, confortant les antisémites qui reprochent aux Juifs de tirer profit de la Shoah. On espère qu'il n'a rien en commun avec la position du journal. On espère aussi pouvoir un jour y lire une vraie analyse aussi bien des « ambivalences » polonaises que des lectures françaises de celles-ci.


Décidément, c'est à se demander si une certaine gauche n'est pas l'allié objectif d'une certaine droite. Il est parfois bon d'être centriste. J'en étais là début juillet.


Le discours de Vladimir Poutine (1), il y a plus de dix jours à Gdansk, a ranimé ces réflexions dans mon esprit. Dans un article de Courrier International, on lit comment le premier ministre russe appelle à la réconciliation avec la Pologne (ce qui est louable). Cependant, il le fait là aussi en faisant jouer une malsaine concurrence mémorielle : les morts de Katyn contre les prisonniers soviétiques abattus en 1920, mais aussi en excipant les millions de morts de l'URSS durant la Seconde Guerre mondiale. Et surtout, dans ces déclarations alambiquées où l'inattaquable voisine l'incongru, on peut lire « Nous étions ensemble dans cette bataille pour l'avenir de l'humanité. » Le « nous » sonne faux. On sait comment le gouvernement en exil (et ses partisans) de Mikolajczyk ont fini juste après 1945. 


D'ailleurs, le SVR (services secrets russes) a révélé dans la foulée que « Une part de la responsabilité dans le déclenchement de la seconde guerre mondiale repose sur la Pologne, c'est pourquoi ils essaient de déformer les faits historiques » (Le Monde, 3 septembre 2009). On cherche encore en quoi cela disculpe l'URSS du massacre de Katyn.


Décidément, notre époque a une étrange mémoire. Aussi étranges que certaines résonances entre un critique du Monde, un premier ministre russe et un contributeur de la NRH.


* Toutes ces citations sont tirées de « Katyn », film poignant et douloureux pour Wajda (Le Monde, 1er avril 2009).

(1) http://www.courrierinternational.com/article/2009/08/31/vladimir-poutine-joue-la-carte-de-reconciliation

mercredi 26 août 2009

Echo d'Italie : ici aussi le crapaud frit (ou presque)...

A ceux qui s'étonnent du titre de ce billet, on ne peut que conseiller la lecture de l'entrevue donnée par Francesco Rutelli en juillet dernier et qui faisait suite au ralliement du Parti Démocrate italien au PSE à Strasbourg.

[Un petit aparté à ce sujet. Les socialistes européens, toujours prêts à la boursouflure nominale, ont nommé leur groupe du doux nom d'Alliance progressiste des Socialistes et des Démocrates au Parlement Européen... sans doute que la première possibilité d'ASDE évoquée par Dario Franceschini s'avérait trop proche de l'ALDE, rempli de « sauvages néo-libéraux »... et accessoirement des six députés du Mouvement Démocrate... Or, APSDPE, ce n'est plus un sigle mais un cousin de la grippe porcine, du coup, ils n'ont rien trouvé de mieux que de le syncoper en S&D... heureusement qu'il y a l'esperluette, mais le moins que l'on puisse dire, est que l'initiative s'avère malheureuse... Amnésie ou inculture, dans les deux cas, on ne peut manquer d'être surpris.]

Selon Francesco Rutelli, le projet démocrate glisse vers une simple rénovation de la gauche, fut-elle réformiste, alors qu'initialement, il s'agissait de s'affranchir des clivages traditionnels, de proposer une voie nouvelle. On entend souvent dire que l'Italie est le laboratoire des idées politiques en Europe. Force est de constater qu'au-delà des Alpes, l'exemple italien rencontre un certain écho.

Si le discours de Marielle de Sarnez a constitué un catalyseur, ce billet nous trottait dans la tête depuis le mois dernier. Certes, depuis la campagne de 2007, le discours de François Bayrou a toujours proclamé la nécessaire convergence de personnes de droite et de gauche autour du projet démocrate pour sortir la France de l'ornière. Or, les derniers signes donnés par le Mouvement manifestent une certaine hémiplégie.

La campagne des Européennes a constitué une triste illustration de notre échec à jouer la carte de l'opposition systématique. La politique sarkozyenne n'aide pas à la nuance, il est vrai, mais en affirmant qu'il devait se montrer moins « batailleur », François Bayrou a lui-même reconnu cette impasse. Suite aux élections européennes, des municipales partielles ont eu lieu notamment à Hénin-Beaumont, Perpignan ou Aix-en-Provence. Chaque contexte est particulier, mais systématiquement, le Mouvement Démocrate a fait liste commune avec la gauche (PS, Verts, divers gauche selon des alchimies souvent originales), et ce dès le premier tour. Il ne s'agit pas de juger ici le bien-fondé de ces choix, mais de s'interroger sur le message qui a pu être localement reçu par l'électorat.

A Aix, la liste commune s'est faite sur les cendres encore chaudes du centre-gauche local incarné par la liste Pezet en 2008 (PS dissident et PRG), alors que, pour des observateurs extérieurs comme nous, elle représentait encore un partenaire souhaitable (1). Entre les deux tours, le ralliement de la liste divers droite (à l'anti-joissinisme irréprochable) n'a pas donné lieu à une fusion. Résultats : il y a un seul groupe d'opposition au Conseil Municipal pour le PS (le même qui refusait catégoriquement un an plus tôt de se mêler avec des centristes), le MoDem et les Verts. Le plus troublant dans l'échec local de cette stratégie est que le message officiel a été de se gargariser d'une alliance qui a fait vaciller l'UMP local. On aurait aussi pu remarquer que la liste Joissains n'avait pas atteint pareil score relatif lorsque le Centre restait indépendant, comme en 2008 (2).

Toutefois, des alliances à gauche ont déjà eu lieu par le passé et rien dans notre ADN centriste ne l'interdit... a ceci près que dans nos racines, il y a(vait) aussi l'indépendance, le fait que le MoDem était alternatif à un système obsolète. Ici, on ne perturbe pas le système, on obéit à sa logique : une majorité et une opposition. D'aucuns trouveront qu'il s'agit simplement d'une concession au principe de réalité (surtout après des échecs répétés), d'autres que certains ont entamé la route vers Canossa annoncée par Jean-Louis Bourlanges dès 2007. Les signes se sont multipliés à ce sujet. Le co-président de la Fédération locale a même affirmé en son temps que l'élection d'Aix n'était pas anodine pour l'avenir national du Mouvement, qu'il s'agissait d'une expérimentation (en vue d'une prochaine duplication ?). Dans le même temps, un Vice-Président local, appelle à l'élaboration d'un nouveau logiciel politique afin que tous les progressistes (oui oui, comme au Parlement Européen) se réunissent. There's something in the air...

La présence de Marielle de Sarnez à Marseille (et celle de Jean-Luc Bennahmias) ne constitue pas une surprise. Elle était annoncée de longue date (de l'utilité d'avoir un PS local royaliste). D'autres ont déjà abondamment glosé sur le virage complètement à gauche du MoDem ou au contraire sur un non-événement monté en épingle par les contempteurs de la cause orange. On se contentera donc ici de traiter du signe qui a pu être reçu.

Marielle de Sarnez incarne le Mouvement à peine moins que François Bayrou lui-même. Elle est sa plus proche collaboratrice, la fidèle parmi les fidèles... Sa parole a du poids. Aux minutes 5 et 7, elle évoque clairement un rapprochement sur les valeurs (par la communauté dans l'opposition au pouvoir sarkozyste) mais aussi tactique (pour faire triompher l'opposition, il ne faut pas aller les uns sans les autres). Elle le fait alors qu'elle est invitée par des socialistes qui désirent une alliance entre le MoDem et le PS (l'événement inverse aurait eu une toute autre signification). Il ne nous semble pas que le courant « L'espoir à gauche » ait annoncé sa volonté de sécession. La photographie qui a fait le tour de la presse et du web délivre un message évident : un communiste réformateur, deux socialistes (sociaux-démocrates ?), une radicale de gauche (façon Walwari), un écologiste et deux démocrates... En somme, une Unione à la française...

Si on ajoute à cela le discours de Jean-Luc Bennahmias qui affirme l'impossibilité d'une alliance avec la droite et que ces ateliers marquent le début d'un processus, on comprend que tous ces faits convergent. On peut se demander si, pour l'électorat, le Mouvement Démocrate se différencie encore du reste de l'opposition parlementaire.

Comme le crapaud dont on augmente progressivement la température du bain, la perspective du Mouvement Démocrate semble obliquer. D'un parti strictement indépendant, au centre de la vie politique, on s'achemine vers une nouvelle bipolarisation de l'échiquier politique français où, en consacrant l'éclatement définitif du Centre, le Mouvement Démocrate se rallie progressivement à un regroupement qui s'identifie à la gauche (faute d'avoir pu fédérer lui-même ?). Peut-être ses promoteurs ont-ils raison, mais si ce que l'on voit à l'œuvre depuis quelques mois relève bien d'un même processus, alors il ne s'agit plus du projet tel qu'il a été formulé en 2007.

(1) La liste conduite par le MoDem avait d'ailleurs fait tout son possible pour arriver, a minima, à une fusion avec cette liste.
(2) On peut aussi remarquer que dans les trois cas, ces listes gauche/MoDem ont échoué.

lundi 20 juillet 2009

Le livret orange pour la jeunesse... misère

L'engagement dans un mouvement politique réserve parfois des surprises désagréables. Il y a quelques jours, les adhérents du Mouvement Démocrate ont reçu un courriel de Corinne Lepage les invitant à participer aux commissions avec un lien vers le site dédié. C'est ainsi que nous découvrîmes le Livret Orange pour la Jeunesse sous l'onglet au titre évocateur de base de connaissances.

Avant de procéder à une lecture partielle et critique, un préalable. Oui, on peut considérer qu'il est facile de critiquer le travail d'autrui quand on ne s'est pas soi-même investi. Certes. Mais notre critique portera davantage sur les principes qui apparaissent et qui semblent dénoter un glissement de ce que signifie l'humanisme pour certains au Mouvement Démocrate.

Premier étonnement, dès l'introduction (d'ailleurs, était-il nécessaire de le préciser sur le document ?), une première curiosité par rapport à un document de référence : l'absence de référence. Des chiffres sont annoncés sans que les sources soient indiquées, curieux manque de rigueur. Surtout, la lecture des deux premiers chapitres laissent pantois. A la Marguerite, nous avons éprouvé une bizarre sensation d'altérité.

Point 2 :

Nous souhaitons que l'État contractualise avec les collectivités locales pour développer les accueils périscolaires, pour les enfants de 0 à 10 ans. Nous proposons la gratuité de ces accueils, afin que les familles soient fortement incitées à y placer régulièrement leurs enfants, comme cela existe déjà dans certains pays nordiques.

Est-ce là l'ambition d'une politique familiale humaniste ? Pourquoi inciter fortement les familles à placer les enfants dans des accueils périscolaires ? Certes, dans certains cas, ce dispositif est nécessaire, d'ailleurs, de nombreuses mairies les développent (avant et après l'école). La formulation (peut-être malheureuse) semble présupposer que ces accueils sont préférables à tout autre encadrement. Curieux.

Mais, le gros du problème ne se situe pas là.

Il faut réaffirmer l’importance de la pédagogie : l’épanouissement de l’élève doit être au coeur de toutes les préoccupations.
3 > Nous appelons à une évolution progressive de l’Education nationale. Trop d’importance est aujourd'hui attachée aux contenus, trop peu à l’élève destiné à les recevoir. La pédagogie doit être renforcée et non pas de plus en plus absente de la formation des enseignants.


C'est confondant... Y aurait-il autant de personnes ayant des comptes à régler avec l'Education Nationale au Mouvement Démocrate pour affirmer sans sourciller pareilles choses ? Tout d'abord, le propos liminaire au point 3 est un authentique truisme. « L'élève au coeur de son apprentissage » constitue le credo de l'institution depuis la loi Jospin de 1989. De plus, sur quoi s'est-on appuyé pour affirmer aussi péremptoirement que l'EN se préoccupait plus des contenus que de ses élèves ? Rien n'est plus faux. Il n'y a qu'à comparer les contenus des programmes sur une vingtaine d'années pour se rendre compte que la tendance lourde est à l'allègement. Pour qui a fréquenté honnêtement l'institution depuis une décennie, il est évident que l'accent est mis sur la diversité des situations d'apprentissage et la mise en activité des élèves.

La dernière phrase procède d'une erreur crasse. A quoi occupe-t-on les professeurs stagiaires pendant leur première année ? Le cœur de la formation est bien évidemment pédagogique. S'il y a des mises au point sur les contenus, cela n'est absolument pas contradictoire. Est-il possible d'intéresser des élèves et de bien enseigner quelque chose si on ne le maîtrise pas soi-même ? Cette opposition entre contenu et pédagogie s'avère non seulement fausse mais aussi terriblement creuse.

4 > Nous estimons que nous ne pouvons plus concevoir l’enseignement comme la rencontre d’un professeur avec une classe recevant un cours magistral. Nous considérons l’apprentissage comme une relation nécessaire entre l’éducateur et l’élève. Une vision des choses, non pas nouvelle, mais à laquelle il nous semble important de redonner sens.

Un autre truisme qui laisse supposer que le cours magistral représente la norme dans l'EN, ce qui est, encore une fois, totalement faux. Les rares traces de cours magistral qui demeurent dans le secondaire se trouvent en terminale, du fait de la pression de l'examen. Quand bien même on voudrait faire du cours magistral, rares sont maintenant les élèves à pouvoir en tirer profit. Aussi, cette technique n'est quasiment plus appliquée. On a donc l'impression que, pour établir une rupture avec le système existant, les rédacteurs de ce livret ont outrageusement caricaturé la réalité.

A propos de l'ultime phrase : en effet cette vision des choses n'est pas nouvelle, elle est appliquée depuis bien longtemps. Même cette critique, dans toutes ses outrances, sent la naphtaline et les relents du pédagogisme éculé des années 1980... Ou alors est-ce du Meirieu mal digéré ? Bref, qu'il serait facile d'enseigner quand il n'y aura plus rien à apprendre... Vive le progrès.

Il en va de même dans le chapitre 2, points 5 et 6. On apprend ainsi que l'école ne doit pas « exclure les plus en difficultés au profit des meilleurs ». Aussi profond qu'un discours de miss... La réforme Haby date de 1976, l'éducation en France est largement massifiée. On a développé les filières technologiques puis professionnelles pour accueillir une grande diversité de profils d'élèves. « Elle doit permettre à chacun d'aller aussi loin qu'il souhaite aller ». Que fait-on des élèves velléitaires ? Que fait-on de ceux qui ne veulent pas étudier ? Mystère, la faute en revient seulement à l'institution.

Enfin, le point 6 prouve la méconnaissance des jeunes (ce qui pose problème) de la part des rédacteurs du livret. Annoncez à un adolescent que son travail ne sera pas noté, et vous verrez son intérêt et son investissement fondre comme neige au soleil. La note constitue le salaire de l'élève. Et comme tout travailleur, il veut être rémunéré, même si cela reste symbolique. On arguera du fait que c'est l'institution qui a inculqué cela à nos chères têtes blondes. Rien n'est moins certain. Enfin, la pratique des classements est rarissime dans le secondaire... du moins pour la Provence on peut en attester. Elle ne se retrouve que dans quelques rares cas d'établissements volontairement élitistes.

On notera que le décalage entre le savoir académique et la jeunesse n'est absolument pas traité. Que répondre, en bon humaniste, à un enfant qui est persuadé que la grammaire, l'orthographe, les mathématiques, l'histoire, etc... ça sert à rien ?

A lire ces deux chapitres, on se rend compte que, pour les rédacteurs de ce livret, si la jeunesse échoue ou se montre démotivée, c'est la seule faute de l'Education Nationale. On ne s'y préoccupe pas des élèves, obsédés que les professeurs sont par leurs programmes et leurs contenus. On pratique le cours magistral comme sous la IIIe République. On brime les élèves, on les exclut du système après les avoir sciemment écœurés à coup de notation démotivante et de classement déshumanisant.

Avec pareils postulats, il était difficile de proposer quelque chose de pertinent. En fait, ces deux chapitres reconstruisent un enseignement qui n'existe plus (ou que très marginalement) pour en faire une généralité actuelle. Ainsi, on retrouve, dans les préconisations, le contenu des réformes pratiquées depuis une trentaine d'années. Conclusion, il faudrait amplifier ces réformes, puisque, selon ce livret, les mêmes maux doivent être traités de la même manière. En fait de changement profond, on a là des propositions d'un fixisme exemplaire.

Dernier point. On ne doit pas avoir la même définition de l'humanisme. Placer l'homme au cœur de nos préoccupations, de notre activité politique, ce n'est pas le réduire à l'état d'éternelle victime, c'est en cela que nous évoquions une certaine gauchisation du discours démocrate (1). La notion de responsabilité est consubstantielle à l'humanisme. Autant laisser la parole à l'un de ceux qui bien avant nous, l'avait déjà formalisé, Pic de la Mirandole, dans son traité Sur la dignité de l'homme :

« L'Architecte suprême a choisi l'homme, créature de nature imprécise et, le plaçant au centre du monde, s'adressa à lui en ces termes : « Nous ne t'avons donné ni place précise, ni fonction particulière, Adam, afin que selon tes envies et ton discernement, tu puisses prendre et posséder la place, la forme et les fonctions que tu désireras. La nature de toutes les autres choses est limitée et tient dans les lois que nous leur avons prescrites. Toi, que nulle limite ne contraint, conformément à la libre volonté que nous avons placé en tes mains, tu décideras toi-même des propres limites de ta nature. [...] Nous ne t'avons créé ni du ciel ni de la terre, ni immortel ni mortel, afin que, par ton libre-arbitre, tu puisses choisir de te façonner dans la forme que tu choisiras. Par ta propre puissance, tu pourras dégénérer, prendre les formes les plus basses de la vie qui sont animales. Par ta propre puissance, tu pourras grâce au discernement de ton âme, renaître dans les formes les plus hautes, qui sont divines. »


(1) Il s'agit bien de gauchisme, car même au Parti Socialiste, il n'est pas certain qu'on aurait trouvé pareil discours éculé...