mercredi 26 août 2009

Echo d'Italie : ici aussi le crapaud frit (ou presque)...

A ceux qui s'étonnent du titre de ce billet, on ne peut que conseiller la lecture de l'entrevue donnée par Francesco Rutelli en juillet dernier et qui faisait suite au ralliement du Parti Démocrate italien au PSE à Strasbourg.

[Un petit aparté à ce sujet. Les socialistes européens, toujours prêts à la boursouflure nominale, ont nommé leur groupe du doux nom d'Alliance progressiste des Socialistes et des Démocrates au Parlement Européen... sans doute que la première possibilité d'ASDE évoquée par Dario Franceschini s'avérait trop proche de l'ALDE, rempli de « sauvages néo-libéraux »... et accessoirement des six députés du Mouvement Démocrate... Or, APSDPE, ce n'est plus un sigle mais un cousin de la grippe porcine, du coup, ils n'ont rien trouvé de mieux que de le syncoper en S&D... heureusement qu'il y a l'esperluette, mais le moins que l'on puisse dire, est que l'initiative s'avère malheureuse... Amnésie ou inculture, dans les deux cas, on ne peut manquer d'être surpris.]

Selon Francesco Rutelli, le projet démocrate glisse vers une simple rénovation de la gauche, fut-elle réformiste, alors qu'initialement, il s'agissait de s'affranchir des clivages traditionnels, de proposer une voie nouvelle. On entend souvent dire que l'Italie est le laboratoire des idées politiques en Europe. Force est de constater qu'au-delà des Alpes, l'exemple italien rencontre un certain écho.

Si le discours de Marielle de Sarnez a constitué un catalyseur, ce billet nous trottait dans la tête depuis le mois dernier. Certes, depuis la campagne de 2007, le discours de François Bayrou a toujours proclamé la nécessaire convergence de personnes de droite et de gauche autour du projet démocrate pour sortir la France de l'ornière. Or, les derniers signes donnés par le Mouvement manifestent une certaine hémiplégie.

La campagne des Européennes a constitué une triste illustration de notre échec à jouer la carte de l'opposition systématique. La politique sarkozyenne n'aide pas à la nuance, il est vrai, mais en affirmant qu'il devait se montrer moins « batailleur », François Bayrou a lui-même reconnu cette impasse. Suite aux élections européennes, des municipales partielles ont eu lieu notamment à Hénin-Beaumont, Perpignan ou Aix-en-Provence. Chaque contexte est particulier, mais systématiquement, le Mouvement Démocrate a fait liste commune avec la gauche (PS, Verts, divers gauche selon des alchimies souvent originales), et ce dès le premier tour. Il ne s'agit pas de juger ici le bien-fondé de ces choix, mais de s'interroger sur le message qui a pu être localement reçu par l'électorat.

A Aix, la liste commune s'est faite sur les cendres encore chaudes du centre-gauche local incarné par la liste Pezet en 2008 (PS dissident et PRG), alors que, pour des observateurs extérieurs comme nous, elle représentait encore un partenaire souhaitable (1). Entre les deux tours, le ralliement de la liste divers droite (à l'anti-joissinisme irréprochable) n'a pas donné lieu à une fusion. Résultats : il y a un seul groupe d'opposition au Conseil Municipal pour le PS (le même qui refusait catégoriquement un an plus tôt de se mêler avec des centristes), le MoDem et les Verts. Le plus troublant dans l'échec local de cette stratégie est que le message officiel a été de se gargariser d'une alliance qui a fait vaciller l'UMP local. On aurait aussi pu remarquer que la liste Joissains n'avait pas atteint pareil score relatif lorsque le Centre restait indépendant, comme en 2008 (2).

Toutefois, des alliances à gauche ont déjà eu lieu par le passé et rien dans notre ADN centriste ne l'interdit... a ceci près que dans nos racines, il y a(vait) aussi l'indépendance, le fait que le MoDem était alternatif à un système obsolète. Ici, on ne perturbe pas le système, on obéit à sa logique : une majorité et une opposition. D'aucuns trouveront qu'il s'agit simplement d'une concession au principe de réalité (surtout après des échecs répétés), d'autres que certains ont entamé la route vers Canossa annoncée par Jean-Louis Bourlanges dès 2007. Les signes se sont multipliés à ce sujet. Le co-président de la Fédération locale a même affirmé en son temps que l'élection d'Aix n'était pas anodine pour l'avenir national du Mouvement, qu'il s'agissait d'une expérimentation (en vue d'une prochaine duplication ?). Dans le même temps, un Vice-Président local, appelle à l'élaboration d'un nouveau logiciel politique afin que tous les progressistes (oui oui, comme au Parlement Européen) se réunissent. There's something in the air...

La présence de Marielle de Sarnez à Marseille (et celle de Jean-Luc Bennahmias) ne constitue pas une surprise. Elle était annoncée de longue date (de l'utilité d'avoir un PS local royaliste). D'autres ont déjà abondamment glosé sur le virage complètement à gauche du MoDem ou au contraire sur un non-événement monté en épingle par les contempteurs de la cause orange. On se contentera donc ici de traiter du signe qui a pu être reçu.

Marielle de Sarnez incarne le Mouvement à peine moins que François Bayrou lui-même. Elle est sa plus proche collaboratrice, la fidèle parmi les fidèles... Sa parole a du poids. Aux minutes 5 et 7, elle évoque clairement un rapprochement sur les valeurs (par la communauté dans l'opposition au pouvoir sarkozyste) mais aussi tactique (pour faire triompher l'opposition, il ne faut pas aller les uns sans les autres). Elle le fait alors qu'elle est invitée par des socialistes qui désirent une alliance entre le MoDem et le PS (l'événement inverse aurait eu une toute autre signification). Il ne nous semble pas que le courant « L'espoir à gauche » ait annoncé sa volonté de sécession. La photographie qui a fait le tour de la presse et du web délivre un message évident : un communiste réformateur, deux socialistes (sociaux-démocrates ?), une radicale de gauche (façon Walwari), un écologiste et deux démocrates... En somme, une Unione à la française...

Si on ajoute à cela le discours de Jean-Luc Bennahmias qui affirme l'impossibilité d'une alliance avec la droite et que ces ateliers marquent le début d'un processus, on comprend que tous ces faits convergent. On peut se demander si, pour l'électorat, le Mouvement Démocrate se différencie encore du reste de l'opposition parlementaire.

Comme le crapaud dont on augmente progressivement la température du bain, la perspective du Mouvement Démocrate semble obliquer. D'un parti strictement indépendant, au centre de la vie politique, on s'achemine vers une nouvelle bipolarisation de l'échiquier politique français où, en consacrant l'éclatement définitif du Centre, le Mouvement Démocrate se rallie progressivement à un regroupement qui s'identifie à la gauche (faute d'avoir pu fédérer lui-même ?). Peut-être ses promoteurs ont-ils raison, mais si ce que l'on voit à l'œuvre depuis quelques mois relève bien d'un même processus, alors il ne s'agit plus du projet tel qu'il a été formulé en 2007.

(1) La liste conduite par le MoDem avait d'ailleurs fait tout son possible pour arriver, a minima, à une fusion avec cette liste.
(2) On peut aussi remarquer que dans les trois cas, ces listes gauche/MoDem ont échoué.