jeudi 21 janvier 2010

Histoire du Centre : l'échec de la grande fédération démocrate et socialiste (1965)

Rapprocher la gauche non-communiste du centre démocrate-chrétien ne constitue pas une innovation... n'en déplaise aux promoteurs du rassemblement (fourre-tout) écolo-socialo-démocrate. Ici comme ailleurs, le présentisme fait des ravages, associé à une sorte de téléologie nous expliquant que c'est le sens de l'histoire et que les difficultés ne surgissent qu'à cause de la profonde nouveauté (je n'ose écrire modernité...) de cette synthèse, nécessaire aux bouleversements du temps présent.

L'histoire ne délivre pas de lois, ni de théorèmes, mais elle permet de modérer les enthousiasmes face à une époque qui a toujours l'impression de recréer le monde ou d'être face à des problèmes jamais croisés les siècles passés. Aussi, il me semble que l'échec de la grande fédération socialiste et démocrate de 1965 apporte quelques éclairages sur la stratégie promue par les Peillon et Sarnez et autre Cohn-Bendit. Pour ce faire, j'utilise l'article de Joan Taris « L'échec de la grande fédération démocrate et socialiste » tiré de l'ouvrage « Le centrisme en France aux XIXe et XXe siècles : un échec ? » dirigé par Sylvie Guillaume.


Alliance électorale a minima...

Ne tombons dans la facilité de l'anachronisme en posant clairement le contexte. Les mouvements concernés par ce projet en 1965 étaient la SFIO (socialiste), le MRP (clairement démocrate-chrétien), le parti radical et l'Union démocratique et socialiste de la résistance. Le rapprochement avait un sens électoral à plus d'un titre. Ces partis avaient participé aux gouvernement de Troisième Force sous la quatrième république et connaissaient des difficultés sous la cinquième naissante. Les accords électoraux locaux ont précédé les discussions entre appareils puisque des « ententes centristes » avait recueilli près de 35 % des voix lors des municipales de mars 1965 et qu'un intergroupe centriste associant socialistes, indépendants, MRP et radicaux voit le jour au Sénat.

Outre la machinerie électorale, ce rassemblement s'appuyait sur un socle de valeurs communes, ou plutôt d'oppositions communes (sic) tant envers le gaullisme que le communisme :

  • institutionnellement par leur goût du parlementarisme et leur confiance dans le rôle des corps intermédiaires

  • leur soutien à la construction européenne

  • le réformisme économique et social

La SFIO abandonnant l'orthodoxie marxiste pour une sorte de travaillisme à la française, la convergence semblait possible d'autant qu'il s'agissait alors de s'adapter aux mutations de la société française des Trente glorieuses. Stratégiquement, en pleine Kennedymania, Jean Lecanuet proposait ouvertement un grand « parti démocrate à l'américaine » (interdit de rire) qui s'ouvrirait aux forces vives de la nation (la société civile n'était pas encore à la mode).


Grand machin et réalités politiques

Ce projet tourne court dès juin 1965. Joan Taris détermine trois raisons majeures. Tout d'abord, les élections majeures dans la Ve république (législatives et présidentielles) sont de fait bipolarisantes. Les deux principaux partis du rassemblement (SFIO et MRP) appartenaient à des cultures politiques inconciliables, notamment, à l'époque, sur la question scolaire et sur l'adversaire prioritaire (les communistes ou les gaullistes). Enfin sur le vocabulaire, le nom du rassemblement posait problème. La réponse de Lecanuet à l'exigence de Guy Mollet de conserver le nom socialiste est pour le moins éclairante : « si vous me demandez de me transformer en socialiste, d'entrer dans une fédération socialiste, d'être demain candidat sous un drapeau socialiste avec un programme d'essence socialiste, alors ne nous mentons pas les uns les autres. C'est totalement exclu et impossible. »

En fait derrière cet échec, il y a les difficultés à concilier un parti de masse et un parti de cadres (ce que le PS comme le MoDem ne sont plus) et la proximité des élections présidentielles (décembre 1965) a achevé de tendre les relations entre les différents leaders qui ne comptaient pas jeter un mouchoir sur leurs ambitions personnelles.


Qu'en retirer ?

Faire des comparaisons s'avèrent toujours périlleux. Cependant, les grandes idéologies, les grands systèmes de pensée ont régressé. Ils ne sont plus totalement recteurs des positionnements politiques. Le flou idéologique et intellectuel assez largement partagé sur l'ensemble de l'échiquier politique permet bien des acrobaties. Parmi les partis de gouvernement, les clivages dépassent rarement la posture ou le dosage dans telle ou telle évolution jugée inexorable. Il y a sans doute ici la justification d'un certain snobisme de la part des extrêmes ou des libéraux. Même s'ils sont contestables, ils manient un corpus d'idées qui peut faire système.  

En cela, le rassemblement peillonesque est symptomatique : un peu d'écologie verdâtre, un peu de social rougeâtre, un peu de démocratie orangée, mélangez bien, et vous aurez une belle ratatouille politique. L'humanisme du MoDem (la publication du projet humaniste ne me fait pas varier de ce que j'ai écrit en novembre dernier, notamment sur l'abandon absurde de la référence démocrate-chrétienne), comme la sociale-démocratie (qui s'accommode très bien d'une alliance avec un parti communiste) au PS (si tant est qu'elle existe au delà des slogans) peuvent se rapprocher... on peut mélanger à l'envie de l'eau tiède... En revanche, en matière de luttes de leadership, il me semble que 2010 n'a rien à envier à 1965. Ce n'est pas pour rien que l'intégration strictement politique s'avère nettement moindre aujourd'hui qu'alors...

En abandonnant à demi-mots sa stratégie d'indépendance, le Mouvement démocrate risque de perdre sur tous les tableaux. Ses gages de compatibilité programmatique peuvent lui faire perdre son électorat traditionnel sans lui apporter le moindre secours de la gauche qui s'accomode très bien, et depuis bien longtemps, d'un système bipolaire.

dimanche 17 janvier 2010

Alliances, régionales, énième clou dans le cercueil du Centre...

Hier, après plusieurs reports, des rumeurs sur des difficultés entre la tête de liste choisie par le bureau exécutif et la ligne fixée par le 133 bis rue de l'Université, Laurent Gérault, chef de file MoDem dans les Pays de la Loire, s'est retiré. François Bayrou a refusé tout rapprochement avec l'Alliance Centriste, le parti de Jean Arthuis. Anatomie d'un échec.


La raison invoquée pour ce refus a trait au second tour. Jean Arthuis aurait voulu s'allier avec l'UMP. Première manipulation dans la communication démocrate : ils brandissent leur autonomie (qui est commune au projet d'Arthuis au premier tour), la pureté de leur stratégie, tout en évitant soigneusement de préciser que c'est pour mieux s'allier au PS (vous savez l'alternance, les majorités nouvelles...). Un mot pour Jean Arthuis. Il n'a jamais fait mystère que son cœur entre le PS et l'UMP penchait plutôt pour le second, mais dans la stratégie politique clairement et officiellement publiée sur le site de l'AC, il laissait la porte ouverte à l'autonomie pour les deux tours. Cette éventualité n'a pas été du goût de tout le monde semble-t-il. Cependant, en fermant la porte à ce type d'accord, le parti de François Bayrou commet une triple erreur.


Tout d'abord, ce faisant, il nie l'existence d'un espace central dans la vie politique française. Certains expliqueront que le MoDem n'est pas centriste... qu'ils écoutent un peu mieux leur leader. François Bayrou parle encore de centre, de centriste (parfois progressiste...). Toutefois, en infléchissant sa stratégie des présidentielles (on parle avec tous ceux qui se rapprocheraient du projet humanisto-démocrate) pour ne rechercher qu'une alliance avec la gauche, il succombe aux charmes du bipolarisme. La négation absolue du centre, et pour ma part, la négation du projet bayrouïste. Vous savez ce mensonge démocratique... mais les belles déclarations n'ont pas franchi les Alpes. Ce qui est le plus dommage, c'est que le refus de toute alliance avec l'UMP devient un principe intangible. À croire qu'il n'y a pas un seul candidat UMP qui ne puisse être un bon président de région, proche des préoccupations démocrates. Vive le manichéisme.


Ceci conduit à un deuxième écueil sur lequel le MoDem vient se fracasser : le MoDem n'est plus tout à fait au centre, mais il a conservé une de ses tares, le syndrome de la girouette. Depuis 2008, l'UMP n'a pas vraiment varié. Il me semble pourtant que lors des municipales, le parti orange a fait cause commune avec des listes UMP (il est vrai, c'était avant l'hémiplégie doctrinale). On nous a expliqué alors qu'Alain Juppé ou François Goulard étaient suffisamment bien pour s'allier avec eux dès le premier tour... Encore plus fameux, alors que le MoDem a soutenu Xavier Darcos au second tour à Périgueux, on refuse par principe toute éventualité d'alliance avec lui au second tour des régionales en Aquitaine... Ils étaient pourtant officiellement investis par l'UMP (sic) en 2008. Où est la cohérence dans cette stratégie (simulacre) d'indépendance ? D'aucuns me rétorqueront que je remue le passé, deux ans, c'est une éternité...


Enfin, en s'arcboutant sur cette stratégie, le MoDem reproduit la même erreur qu'aux européennes : il nationalise un débat local. Certes, la stratégie des municipales n'a pas été un franc succès. Mais changer de manière de faire à chaque élection ne présente guère d'intérêt non plus. Cela est d'autant plus visible dans les déclarations quant aux programmes régionaux. Il s'agira de décliner le projet humaniste au niveau régional. Vu l'état de délabrement d'une bonne partie des fédérations, on peut douter de la spécificité locale des programmes proposés.


Pour la bonne bouche, un exemple local de ce que je viens d'écrire par le délégué national du MoDem, Christophe Madrolle. On appréciera un premier flou sur l'existence de conseillers régionaux démocrates en PACA... il m'avait semblé qu'ils continuaient à siéger avec le groupe verts (dans lequel ils ont été élus), mais soit. Chaud devant : « Il n'est pas imaginable que Michel Vauzelle écarte le MoDem. Ce serait une erreur historique de ne pas construire une majorité social-démocrate moderne. » Et oui, braves gens, le sens de l'histoire c'est de s'allier à gauche (et rien qu'à gauche). C'est difficile aussi de critiquer le bilan d'une majorité à laquelle on appartient... L'avenir c'est la sociale-démocratie : non pas celle qui a déjà plus d'un siècle et qui a déjà échoué un peu partout en Europe, la nouvelle est « moderne », quant à savoir ce que cela signifie... Il ne m'a pas semblé que le projet humaniste fût social-démocrate... bonjour le renouvellement de l'offre politique.


La machine à perdre est donc en marche. Pour l'instant les sondages ne décollent pas (hier Dolium était donné à 5 %). Une nouvelle fois, le MoDem ne rassemble rien, mais continue à perdre des soutiens. CAP 21 n'ira pas, selon toute vraisemblance, sur les listes du mouvement qu'il a cofondé (d'ailleurs, sa présidente n'arbore rien sur son site qui puisse la lier au parti de François Bayrou... excepté le logo ADLE, mais Cavada aussi demeurait dans ce groupe après son retrait). L'Alliance Centriste, bien que compatible en termes programmatiques, souille la pureté du projet démocrate... Enfin, certains s'affranchissent de la plus élémentaire des disciplines pour s'allier à Ségolène Royal dès le premier tour... les masques tombent, un peu comme à Vitrolles. Que le leader de Charente-Maritime ne s'affole pas, au MoDem, la vérité d'un jour n'est pas celle du lendemain.

jeudi 14 janvier 2010

Catherine Levraud, tête de liste choisie par le MoDem en PACA

Suite logique du retrait de François-Xavier de Peretti, Catherine Levraud vient d'être désignée tête de liste pour les régionales de mars prochain, elle était déjà pressentie pour être numéro 2. J'avais déjà fait part de mes regrets quant au renoncement du leader centriste aixois, mais là, il me semble qu'on touche le fond. Dire que le MoDem 13 fonce dans le mur relève de l'euphémisme.


Résumons : les dernières municipales n'ont pas été brillantes dans les Bouches-du-Rhône. Si on considère les têtes de liste officiellement investies par le Mouvement Démocrate, les scores avoisinaient plutôt les 6 %, en dehors du cas particulier d'Aix-en-Provence (mais la liste Génération Aix était une liste de rassemblement). Dans quelques cas, le parti de François Bayrou s'est même retrouvé sous la ligne de flottaison comme à Martigues, à Marseille Nord (Mohammed Laqhila, Saïd Ahamada) et dans la bonne ville d'Arles, où la liste démocrate était conduite par... Catherine Levraud.


Surtout, le MoDem réédite la si efficace stratégie des européennes : un ancien vert très marqué pour conduire la bataille. En juin 2009, Jean-Luc Bennahmias avait réalisé le pire score de France métropolitaine avec 7,5 %, et encore il le devait plutôt aux résultats de Rhône-Alpes (généralement au-dessus de 8 %) qu'à ceux de son territoire d'origine – les Bouches-du-Rhône – où il n'a fait que 6 %... Visiblement, ce n'est pas du côté d'Arles que les démocrates trouveront un réservoir de voix, d'autant qu'ils n'auront que deux mois pour faire campagne et faire connaître leur tête de liste.


Je ne connais Catherine Levraud que par ouï-dire (aussi je ne m'étendrais pas trop) mais dans ses clips de campagne, il y a deux ans, elle ne dégageait pas un charisme débordant et sa notoriété ne dépasse guère sa ville.


Enfin, en tant qu'élue verte, elle fait partie de la majorité sortante de Michel Vauzelle. Du coup, la carte du renouvellement de l'offre politique (façon Dolium) ne pourra pas être jouée. Les partisans de la majorité socialiste préfèreront leur liste. L'électorat écologiste (si tant est qu'il existe vraiment) aura déjà le choix avec Europe Écologie, qui bénéficiera de son succès aux européennes et de sa tête de liste médiatique, et l'Alliance écologiste indépendante. Quant à l'électorat centriste... il ne lui reste plus qu'à faire passer l'annonce suivante : électeur centriste cherche désespérément un bulletin de vote pour mars prochain.


La Provence affirme que le Mouvement Démocrate s'interroge sur le numéro deux de la liste... Ils n'ont qu'à mettre Christophe Madrolle, au moins il n'y aura pas tromperie sur la marchandise. En fait de démocrate, la liste orange ne sera qu'une énième liste pseudo-écologiste prompte à se rallier à Michel Vauzelle au deuxième tour.

lundi 11 janvier 2010

Les vœux de l'Alliance Centriste : des accents barristes ?

Le parti de Jean Arthuis a présenté ses vœux il y a une semaine sur son blog par le biais d'un court texte et non pas comme au MoDem ou au Nouveau Centre par une vidéo (la mise en scène...). On aura tôt fait de les trouver insignifiants surtout après les envolées quasi messianiques de François Bayrou et la terrible mise en scène autour d'Hervé Morin (ou surannée, c'est selon). Pourtant, cette déclaration semble perpétuer une manière de communiquer quasi barriste...


Il y a toujours quelque chose de factice à trouver des points communs avec un homme politique aujourd'hui décédé (qu'est-ce que le barrisme sans Barre ?). Il n'empêche que la franche dureté du propos qui promet du sang, de la sueur et des larmes, ou presque, évoque, pour votre serviteur, le souvenir de la pré-campagne présidentielle de 1995, lorsque Raymond Barre se gaussait des promesses de création d'emplois de Jacques Chirac et Lionel Jospin, en affirmant qu'on ne pouvait pas sérieusement tenir ce genre d'engagements, la vie économique n'étant pas, par essence, ergodique. 


Ce n'était pas électoralement porteur, mais cela avait au moins des accents de vérité. Les trois partis centristes évoquent, ainsi, dans leur message de début d'année le problème de la dette, un seul annonce clairement la donne... tandis que le gouvernement se complaît dans l'idée que le retour de la croissance et des économies pourront rétablir les finances de l'État...