Première partie de ce bilan ici.
Le problème de l'hétérogénéité du Mouvement Démocrate s'est posé avec d'autant plus d'acuité que la ligne « idéologique » (ou programmatique, ce terme devrait être plus juste...) n'a jamais été clairement fixée. Certes, des bases ont été posées à Seignosse, à Villepinte, au Cap Estérel... mais force est, à nouveau, de constater que le Mouvement n'a jamais tranché véritablement sur son identité. Il suffit de lire les propositions du parti sur le site officiel ou sur les blogs démocrates pour se rendre compte qu'on procède toujours par accumulation. Être démocrate, c'est être humaniste, solidaire, écologiste (ou pour le développement durable, voire pour le développement soutenable), un peu libéral (mais pas trop)... Cela cache mal la faiblesse du mot démocrate pour distinguer une famille politique. Il ne viendrait à l'esprit de personne de dire que ceux qui n'appartiennent pas au MoDem ne sont pas pour la démocratie. Ce terme n'a aucune épaisseur historique ni une singularité véritable en France, au contraire des États-Unis. Et pour l'instant, François Bayrou a échoué à lui donner un contenu positif. Il y a des idées souvent bonnes dans Projet d'espoir, dans Abus de pouvoir, dans les ouvrages de Jean-François Kahn, de Marielle de Sarnez ou de Corinne Lepage. Mais on saisit mal la cohérence d'ensemble, la racine commune. La diversité a ses vertus, encore faut-il qu'elle soit un tantinet ordonnée.
L'article fondateur « Du Centre au projet démocrate » paru dans Commentaire à l'automne 2007 constituait une première ébauche. Avec le recul, il s'apparente en fait à un point d'orgue de la réflexion démocrate. Au lieu de subsumer la diversité des aspirations démocrates, le discours du mouvement s'est effiloché en thèmes voire interprétation différents... Les positions dissonantes de Cap 21 en sont une expression. Surtout, certaines affirmations ont été oubliées. La critique de l'État thaumaturge a disparu de la ligne officielle. L'allusion à une Europe Fédérale a été largement minorée au cours de la dernière campagne. Faites l'expérience suivante : lors d'une réunion du Mouvement Démocrate, reproposez certaines idées du programme présidentiel de 2007. On vous traitera « d'UDF de droite » (ce qui pour ces personnes revient à un pléonasme, et oui pour certains, le MoDem devait – doit – servir à la rénovation de la gauche). De telles divergences rendaient d'autant plus illusoire la constitution d'un parti unitaire. La publication récente du document de travail pour le congrès d'Arras ne me fait pas varier dans cette appréciation. On empile les valeurs, mais on cherche l'épine dorsale qui expose de manière éloquente la singularité de notre famille de pensée. Dans son article de 2007, malgré les allusions au rapport entre hasard et nécessité ou au culte de l'argent, François Bayrou n'évoque plus la référence démocrate-chrétienne, lui qui en a été un défenseur au CDS... Le recours à la notion d'humanisme pouvait constituer comme en Belgique un moyen de séculariser ce corpus d'idées... Mais là où le cdH (Centre démocrate humaniste) wallon est capable de produire des textes comme Le sens du politique de Laurent de Briey, qui pose ce qu'est fondamentalement l'humanisme démocratique, le Mouvement Démocrate ressasse les mêmes références éparses entre Marc Sangnier, Montesquieu et des mots d'ordre « écologistes » (liste non exhaustive bien évidemment).
Certains exciperont alors la vieille antienne sur la jeunesse du mouvement, sur le caractère profondément novateur de la synthèse « démocrate ». La lecture de l'ouvrage de Marie-Nelly Denon-Birot De la démocratie chrétienne à Force Démocrate (1) vous ouvrira les yeux. Dans les pages 187 et suivantes, cet auteur reproduit la charte des valeurs de Force Démocrate (créée en 1995). La confrontation avec l'article de Bayrou de 2007 s'avère éloquent. Tout y était déjà. Dans le même ordonnancement ou presque, écologie y compris... (à l'époque le rôle de CAP21 et des quelques verts ralliés devait être tenu par Génération Écologie). Le Mouvement Démocrate n'est pas une innovation, c'est une redite amplifiée. Cependant, là où Force Démocrate a sombré à partir de 1997, le contexte électoral de 2007 nous a fait croire que ce pari pouvait être réussi. En vain. La définition d'un humanisme démocratique à la française, en près de quinze ans, n'a pas progressé. L'empilement de valeurs vaguement définies permettent toutes les interprétations qui, de fait, cohabitent difficilement dans un parti unitaire.
(1) Marie-Nelly Denon-Birot, De la démocratie chrétienne à Force Démocrate, L'Harmattan, Paris, 2000, 206 pages.
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