Troisième volet de ce bilan à propos du positionnement tactique du Mouvement Démocrate, après l'échec dans l'édification d'un parti unitaire et celui de l'élaboration d'une synthèse humaniste.
De cette diversité et de ces atermoiements naît un malaise quant au positionnement tactique du Mouvement Démocrate. Le 22 avril 2007, François Bayrou affirmait que la France avait enfin un centre. Dans son article de Commentaire, il appelle à un dépassement de ce terme, tout en voulant en conserver son héritage. Combien de fois ai-je entendu des propos moqueurs voire infamants sur le Centre et le Centrisme dans la bouche de « démocrates » ? Ni à droite, ni à gauche, ni au centre, nous sommes alternatifs (phrase à peu près exacte tirée d'un Conseil départemental provisoire des Bouches-du-Rhône). La semaine dernière encore, à propos de ses rapports avec la gauche, François Bayrou affirmait être au centre... Alors qu'à la Grande Motte, Jean-François Kahn traînait dans la boue le concept (repris il y a peu par Corinne Lepage). Certains affirment que la position du MoDem est au centre-gauche, sans véritablement définir le contenu... On dirait même un décalque du centre-droit vieille forme où la détermination du centre ne passe que par ses alliés et non pas par son corpus programmatique. On a aussi entendu cet été l'expression de centre progressiste. Il est curieux d'aller chercher un terme du vocabulaire de la gauche pour définir son originalité intrinsèque. « Or, chaque fois qu'on accepte la langue de ses adversaires, d'une certaine manière on a perdu d'avance ». Bayrou le disait lui-même en 2007 (Commentaire n°117, p.722). Peut-être avait-il à l'esprit le Parti du Congrès indien, mais ce serait oublié que derrière les mesures sociales de Sonia Gandhi, il y a aussi les réformes libérales de Manmohan Singh. C'est dire si une nébulosité très dense enserre le Mouvement Démocrate.
Cette imprécision a eu une illustration éclatante cet été. Corinne Lepage voulait siéger avec le groupe écologiste au Parlement Européen, tandis que le PDE était décapité par le départ des anciens de la Marguerite italienne au PSE. Sagement, François Bayrou a préféré demeurer dans le groupe libéral... pour qu'à la fin de l'été, on nous explique doctement qu'il fallait faire émerger le camps de l'alternance au pouvoir sarko-umpiste. Mais les mains tendues successives au PS et à Europe Écologie ont reçu une fin de non recevoir ou presque. L'image du parti n'est qu'un peu plus écornée : triste scène que de voir les leaders oranges faire la danse du ventre devant la gauche pour sauver quelques élus tout en voulant préserver les apparences d'un dialogue politique digne.
Un quatrième échec électoral serait lourd de conséquences. Les premiers sondages donnent le MoDem péniblement à 7 %, voire moins. Impossible de se maintenir au second tour mais la fusion est possible à ce niveau. Avec qui ? Surtout pas l'UMP, considérée comme un bloc... mais avec la gauche. Du moins, la gauche que l'on apprécie : Peillon et ses amis pour le PS (qu'on aura tôt fait de rebaptiser socio-démocrates pour montrer l'évidente proximité avec eux, même si cette appellation en France est parfaitement vide de sens), ou bien Europe Écologie (mais pas trop les Verts, un ramassis de gauchistes... qui en plus ne nous apprécient pas). Le problème réside dans notre position de faiblesse pour aborder ces discussions de second tour, d'autant que la possibilité d'union dès le premier a été très sérieusement envisagée. La posture d'indépendance annoncée il y a quelques jours s'apparente à un pis aller... De l'autre côté, il reste une nostalgie de la gauche plurielle, ou plutôt de sa logique. Et au second tour, après l'évidente entente PS/EE, entre le Front de Gauche et le MoDem, leur cœur risque de ne pas balancer longtemps. Comme il a déjà été dit au PS, on peut récupérer les voix sans faire des montages électoraux complexes. Les voix démocrates, oui, les élus démocrates, non. De plus, ce positionnement (autonomie au premier tour, alliance à gauche au second) expose le parti à un triple écueil : les électeurs de centre-droit (un reliquat UDF ?) pourraient se réfugier dans un vote Nouveau Centre ou Alliance centriste, les centristes extrêmes ne plus se déplacer, du fait de l'abandon objectif de la ligne d'indépendance et les électeurs de centre-gauche opter pour un vote utile à gauche dès le premier tour. Je ne crois plus aux vertus soudaines de la réflexion démocrate qui permettrait par un programme novateur d'emporter l'adhésion des masses (si l'électorat se déterminait seulement sur les programmes, depuis le temps, on le saurait). D'autres s'abusent en imaginant une troisième voie Modem/Europe Écologie... l'écologie n'étant ni de droite, ni de gauche... ce n'était déjà pas vraiment une science, alors en faire une idéologie, c'est assez scabreux...
Ainsi, l'état actuel du MoDem donne raison à Jean-Louis Bourlanges. Dans sa lettre sur le centrisme (publiée elle aussi dans le numéro d'automne 2007 de Commentaire) et dans son discours au dernier conseil national de l'UDF, il annonçait tous les écueils sur lesquels le MoDem s'est fracassé au cours de ces deux dernières années. Les arguties démocrates actuelles pour justifier le nouveau positionnement tactique du Mouvement constituent un monceau de spéciosités. J'en veux pour preuve ces morceaux choisis :
« Sommes-nous voués, comme citoyens, à n'avoir le choix qu'entre deux options politiques, l'option néo-conservatrice ou l'option archéo-socialiste, alors que nous croyons qu'elles sont toutes deux erronées et promises à l'échec parce que ne répondant ni à l'attente des citoyens ni à celle des temps. » (Commentaire n°119, p.721)
« Le projet démocrate est gravement en contraste et en opposition avec le projet socialiste » (Commentaire n°119, p.729)
Il ne m'a pas semblé que le PS ait bouleversé sa ligne au point d'infirmer ces déclarations.
Après deux ans de militantisme actif au sein du MoDem, il me semble que les raisons qui ont présidé à mon engagement ne sont plus. Le Mouvement Démocrate n'est pas (plus ?) une formation qui cherche à constituer une troisième voie qui dépasserait les impasses du socialisme ou du libéralisme conservateur en sublimant l'héritage des centres en France. Ou, si j'ai mal compris et que cela demeure effectivement l'objectif final dans les hautes sphères du MoDem, les moyens mis en œuvre ne me paraissent ni adaptés, ni justifiés, ni mêmes opératoires. Je n'ai pas renouvelé mon adhésion et ne trouve aucun argument valable pour le faire.
La pensée de François Bayrou demeure intéressante à plus d'un titre. L'offre politique du Mouvement Démocrate peut s'avérer ponctuellement la meilleure (ou la moins mauvaise), mais pour consacrer, avec sincérité et abnégation, une partie de son existence à la chose politique, il faut davantage qu'une adhésion de surface.
Très belle analyse, merci d'avoir si bien exprimé votre vision sur la situation dans laquelle se trouve le Centre !
RépondreSupprimerJ'y adhère globalement même si je ne suis pas nécessairement d'accord sur votre refus d'un "parti unitaire".
Tout me semble lié: pas de ciment "idéologique" donc difficulté à se définir par rapport au reste de l'échiquier politique et pas de point de repère qui permette de fédérer les adhérents au sein d'un parti unitaire.
Il me semble que la faute(ce n'est pas nécessairement un reproche) en incombe à François Bayrou pour qui l'important en définitive est plus de se faire élire à la Présidence de la République que d'installer un nouveau parti qui porterait une 3ème voie originale entre PS et UMP.
Néanmoins même si je peux parfaitement comprendre votre décision de "laisser tomber", n'est ce pas pour autant faire preuve d'un défaitisme excessif ? Après tout le MoDem sera ce que ses adhérents voudront bien en faire...J'aime à croire qu'il est un peu tôt pour enterrer cette belle idée !
Bonne soirée
Défaitisme sans doute, excessif, l'avenir le dira. Mais je vous concède que je suis un très piètre prospectiviste... c'est rassurant pour le Mouvement Démocrate.
RépondreSupprimer