Avec du retard, troisième volet de cet état des lieux de la famille centriste en France (1) avec les centristes alignés sur les grands partis de gouvernement.
Le Nouveau Centre a obtenu 3 eurodéputés lors des dernières élections et voit donc son contingent tripler. Cependant où sont ses perspectives ? Nous nous souvenons du discours d'Hervé Morin avant les législatives de 2007, expliquant que le choix stratégique de François Bayrou condamnait ses idées. Grâce au PSLE, devenu rapidement Nouveau Centre, des idées portées par l'UDF apparaissaient dans la plate-forme commune UMP/NC. Il citait deux mesures phares : le « small business act » à la française et l'introduction d'une dose de proportionnelle dans la constitution. Il est vrai que, si les néo-centristes étaient parvenus à imposer ces réformes, ils auraient eu l'arme absolue pour montrer que les démocrates faisaient fausse route. Or, il n'en est rien. Le Nouveau Centre s'affiche comme un centre inutile. Il n'est décisif dans aucune assemblée. Malgré son puissant allié (et en dépit de ses nombreuses demandes, voire des récriminations outrées de François Sauvadet), il n'a aucune présidence de commission. Lorsqu'il essaie d'apporter une nuance centriste aux projets UMP, il reçoit systématiquement, ou presque, une fin de non recevoir.
Un exemple précis où toute la famille centriste était réunie. A la fin de l'hiver dernier, Pierre Méhaignerie (centriste dans l'UMP) demandait une contribution exceptionnelle des plus hauts revenus, Charles de Courson et Nicolas Perruchot (NC) voulaient sortir la CSG et le CRDS du bouclier fiscal, Jean Arthuis (AC) proposait une refonte complète de la fiscalité qui passait par l'élimination de ce dispositif, tandis que François Bayrou réclamait sa suppression sèche... Résultat ? Rien a changé, que l'on soit dans l'UMP, allié de l'UMP, dans la majorité présidentielle ou dans l'opposition, tous les centristes étaient d'accord, mais ils ont été incapables d'infléchir la politique gouvernementale. Preuve, s'il en était besoin, du grand cas fait par l'UMP des idées centristes et de l'inutilité du centrisme (r)allié... (2)
Autre exemple, à la marge peut-être de notre sujet : le parti de Christine Boutin. Affirmer que le Parti Chrétien-Démocrate est centriste pose problème : il ne s'en réclame pas ouvertement (au profit de l'appellation droite sociale), mais la tradition chrétienne-démocrate, en France, s'est toujours positionnée plutôt au centre-droit... Et puis, Christine Boutin a fait partie de l'UDF confédérale et incarne ce courant fait à la fois de préoccupation sociale et de conservatisme qu'il est difficile de catégoriser précisément. Bref, le Forum des Républicains sociaux s'est transformé en Parti Chrétien Démocrate il y a quelques semaines. Sur la page d'accueil du site, on peut lire ceci en date du 20 juin :
« Je m’adresse ici à mon ami Xavier, notre Secrétaire Général, pour lui dire la confiance que j’ai dans son action de mobilisation, la joie que j’ai à participer au gouvernement de la France et l’espérance que m’apportent les chantiers mis en œuvre par notre Président Nicolas Sarkozy.
Mais je tiens aussi à lui passer quelques messages. Nous sommes fidèles, loyaux et deviendrons exigeants !
• il n’y a pas d’unité durable s’il n’y a pas de diversité assumée et visible. Le Parti Chrétien-Démocrate est associé à l’UMP, cela ne veut pas dire caché derrière l’UMP…
• il n’y a pas d’unité durable s’il n’y a pas de débat sur le fond. Chaque composante doit apporter à l’ensemble ce qu’elle porte de meilleur. Nous jouons carte sur table mais nous ne pouvons pas accepter de jouer dans l’espace enfant ;
• il n’y a pas d’unité durable s’il n’y a pas de reconnaissance et de succès partagé. Nous serons présents pour 2010, 2011 et 2012. Nous voulons participer aux combats, qu’il s’agisse de victoire ou de défaite… mais nous ne pouvons pas accepter de collectionner les suppléances ou de nourrir des espoirs pour la 3ème génération de nos petits-enfants. Dans les régions, nous participerons à la liste ou aux listes présentées par la droite et le centre. Nous aspirons à mener le combat dans certains départements, comme ce fut le cas aux européennes, mais nous souhaitons avoir demain des élus dans les nouveaux conseils régionaux. »
Le 29 juin, elle faisait part de son mécontentement après son « jetage »
Avant de refuser une mise au placard diplomatique. Le télescopage de ces déclarations est éclairant. Il ne s'agit pas ici de défendre les idées de Madame Boutin, ou son bilan au ministère du Logement, mais il s'agit d'un autre exemple du poids des anciens UDF ralliés. En cela, François Bayrou avait raison et n'a pas été démenti (notamment à partir de 5'30'').
On pourrait faire le même type d'observation à propos des radicaux de gauche, relégués au rang de supplétifs occasionnels du Parti socialiste.
Pour les centristes, la période est sombre. Le Mouvement Démocrate n'a pas réussi à percer au cours de ses deux dernières années, alors qu'il incarnait la volonté d'offrir une troisième voie cohérente et indépendante. Pour l'instant, les faits donnent raison à Jean-Louis Bourlanges. De plus, les échecs électoraux successifs semblent contribuer à un gauchissement du discours (voir le prochain billet) qui se traduit localement par des alliances répétées à gauche (Perpignan, Hénin-Beaumont ou Aix-en-Provence). A la rentrée, les instances nationales devraient accoucher d'une stratégie nationale « cohérente » pour les élections régionales. Elle sera révélatrice de l'ambition du Mouvement à demeurer original et indépendant. A la Marguerite, on espère éviter un syndrome à l'italienne.
Les alternatives ne sont pas légions. Le ralliement à l'UMP ne permet pas de défendre plus efficacement nos idées. C'est à partir de ces faits que l'initiative de Jean Arthuis peut être comprise. Cependant, existe-t-il encore un espace pour l'Alliance Centriste ? Réunir les centres constitue un beau programme, mais déjà le Nouveau Centre traîne les pieds. En somme, l'impasse stratégique ne vaut pas seulement pour le Mouvement Démocrate mais pour l'ensemble des Centres, aujourd'hui pulvérisés et incapables de se refonder.
(1) D'aucuns diront que le Mouvement Démocrate n'est pas centriste... peut-être dans le sens où il ne cherche pas à se positionner par rapport à la droite ou à la gauche (ce qui est sujet à caution), mais François Bayrou s'est lui-même réclamé du Centre (et ce dès le soir du 22 avril 2007) et les idées de l'humanisme démocratique ont toujours été portées par le Centre en France.
(2) Impossible en pareille occasion de ne pas rappeler l'avis de Raymond Barre à ce sujet : « Un parti monolithique du type UMP n'est pas souhaitable. On a pu le mesurer à travers les multiples péripéties de 2006, du CPE à l'affaire Clearstream en passant par la fusion Suez-GDF : les désaccords étaient flagrants au sein de l'UMP, mais tout le monde s'est couché. Je regrette que des hommes comme Pierre Méhaignerie soient passés à l'UMP ». in Raymond Barre, L'expérience du pouvoir, Fayard, 2007, p.237. A noter que les deux courants « centristes » de l'UMP (Démocrates et populaires et la Convention Démocrate) semblent avoir cessé d'exister et n'ont plus aucune vitrine sur l'Internet.
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Très intéressant billet, merci !
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