lundi 20 juillet 2009

Le livret orange pour la jeunesse... misère

L'engagement dans un mouvement politique réserve parfois des surprises désagréables. Il y a quelques jours, les adhérents du Mouvement Démocrate ont reçu un courriel de Corinne Lepage les invitant à participer aux commissions avec un lien vers le site dédié. C'est ainsi que nous découvrîmes le Livret Orange pour la Jeunesse sous l'onglet au titre évocateur de base de connaissances.

Avant de procéder à une lecture partielle et critique, un préalable. Oui, on peut considérer qu'il est facile de critiquer le travail d'autrui quand on ne s'est pas soi-même investi. Certes. Mais notre critique portera davantage sur les principes qui apparaissent et qui semblent dénoter un glissement de ce que signifie l'humanisme pour certains au Mouvement Démocrate.

Premier étonnement, dès l'introduction (d'ailleurs, était-il nécessaire de le préciser sur le document ?), une première curiosité par rapport à un document de référence : l'absence de référence. Des chiffres sont annoncés sans que les sources soient indiquées, curieux manque de rigueur. Surtout, la lecture des deux premiers chapitres laissent pantois. A la Marguerite, nous avons éprouvé une bizarre sensation d'altérité.

Point 2 :

Nous souhaitons que l'État contractualise avec les collectivités locales pour développer les accueils périscolaires, pour les enfants de 0 à 10 ans. Nous proposons la gratuité de ces accueils, afin que les familles soient fortement incitées à y placer régulièrement leurs enfants, comme cela existe déjà dans certains pays nordiques.

Est-ce là l'ambition d'une politique familiale humaniste ? Pourquoi inciter fortement les familles à placer les enfants dans des accueils périscolaires ? Certes, dans certains cas, ce dispositif est nécessaire, d'ailleurs, de nombreuses mairies les développent (avant et après l'école). La formulation (peut-être malheureuse) semble présupposer que ces accueils sont préférables à tout autre encadrement. Curieux.

Mais, le gros du problème ne se situe pas là.

Il faut réaffirmer l’importance de la pédagogie : l’épanouissement de l’élève doit être au coeur de toutes les préoccupations.
3 > Nous appelons à une évolution progressive de l’Education nationale. Trop d’importance est aujourd'hui attachée aux contenus, trop peu à l’élève destiné à les recevoir. La pédagogie doit être renforcée et non pas de plus en plus absente de la formation des enseignants.


C'est confondant... Y aurait-il autant de personnes ayant des comptes à régler avec l'Education Nationale au Mouvement Démocrate pour affirmer sans sourciller pareilles choses ? Tout d'abord, le propos liminaire au point 3 est un authentique truisme. « L'élève au coeur de son apprentissage » constitue le credo de l'institution depuis la loi Jospin de 1989. De plus, sur quoi s'est-on appuyé pour affirmer aussi péremptoirement que l'EN se préoccupait plus des contenus que de ses élèves ? Rien n'est plus faux. Il n'y a qu'à comparer les contenus des programmes sur une vingtaine d'années pour se rendre compte que la tendance lourde est à l'allègement. Pour qui a fréquenté honnêtement l'institution depuis une décennie, il est évident que l'accent est mis sur la diversité des situations d'apprentissage et la mise en activité des élèves.

La dernière phrase procède d'une erreur crasse. A quoi occupe-t-on les professeurs stagiaires pendant leur première année ? Le cœur de la formation est bien évidemment pédagogique. S'il y a des mises au point sur les contenus, cela n'est absolument pas contradictoire. Est-il possible d'intéresser des élèves et de bien enseigner quelque chose si on ne le maîtrise pas soi-même ? Cette opposition entre contenu et pédagogie s'avère non seulement fausse mais aussi terriblement creuse.

4 > Nous estimons que nous ne pouvons plus concevoir l’enseignement comme la rencontre d’un professeur avec une classe recevant un cours magistral. Nous considérons l’apprentissage comme une relation nécessaire entre l’éducateur et l’élève. Une vision des choses, non pas nouvelle, mais à laquelle il nous semble important de redonner sens.

Un autre truisme qui laisse supposer que le cours magistral représente la norme dans l'EN, ce qui est, encore une fois, totalement faux. Les rares traces de cours magistral qui demeurent dans le secondaire se trouvent en terminale, du fait de la pression de l'examen. Quand bien même on voudrait faire du cours magistral, rares sont maintenant les élèves à pouvoir en tirer profit. Aussi, cette technique n'est quasiment plus appliquée. On a donc l'impression que, pour établir une rupture avec le système existant, les rédacteurs de ce livret ont outrageusement caricaturé la réalité.

A propos de l'ultime phrase : en effet cette vision des choses n'est pas nouvelle, elle est appliquée depuis bien longtemps. Même cette critique, dans toutes ses outrances, sent la naphtaline et les relents du pédagogisme éculé des années 1980... Ou alors est-ce du Meirieu mal digéré ? Bref, qu'il serait facile d'enseigner quand il n'y aura plus rien à apprendre... Vive le progrès.

Il en va de même dans le chapitre 2, points 5 et 6. On apprend ainsi que l'école ne doit pas « exclure les plus en difficultés au profit des meilleurs ». Aussi profond qu'un discours de miss... La réforme Haby date de 1976, l'éducation en France est largement massifiée. On a développé les filières technologiques puis professionnelles pour accueillir une grande diversité de profils d'élèves. « Elle doit permettre à chacun d'aller aussi loin qu'il souhaite aller ». Que fait-on des élèves velléitaires ? Que fait-on de ceux qui ne veulent pas étudier ? Mystère, la faute en revient seulement à l'institution.

Enfin, le point 6 prouve la méconnaissance des jeunes (ce qui pose problème) de la part des rédacteurs du livret. Annoncez à un adolescent que son travail ne sera pas noté, et vous verrez son intérêt et son investissement fondre comme neige au soleil. La note constitue le salaire de l'élève. Et comme tout travailleur, il veut être rémunéré, même si cela reste symbolique. On arguera du fait que c'est l'institution qui a inculqué cela à nos chères têtes blondes. Rien n'est moins certain. Enfin, la pratique des classements est rarissime dans le secondaire... du moins pour la Provence on peut en attester. Elle ne se retrouve que dans quelques rares cas d'établissements volontairement élitistes.

On notera que le décalage entre le savoir académique et la jeunesse n'est absolument pas traité. Que répondre, en bon humaniste, à un enfant qui est persuadé que la grammaire, l'orthographe, les mathématiques, l'histoire, etc... ça sert à rien ?

A lire ces deux chapitres, on se rend compte que, pour les rédacteurs de ce livret, si la jeunesse échoue ou se montre démotivée, c'est la seule faute de l'Education Nationale. On ne s'y préoccupe pas des élèves, obsédés que les professeurs sont par leurs programmes et leurs contenus. On pratique le cours magistral comme sous la IIIe République. On brime les élèves, on les exclut du système après les avoir sciemment écœurés à coup de notation démotivante et de classement déshumanisant.

Avec pareils postulats, il était difficile de proposer quelque chose de pertinent. En fait, ces deux chapitres reconstruisent un enseignement qui n'existe plus (ou que très marginalement) pour en faire une généralité actuelle. Ainsi, on retrouve, dans les préconisations, le contenu des réformes pratiquées depuis une trentaine d'années. Conclusion, il faudrait amplifier ces réformes, puisque, selon ce livret, les mêmes maux doivent être traités de la même manière. En fait de changement profond, on a là des propositions d'un fixisme exemplaire.

Dernier point. On ne doit pas avoir la même définition de l'humanisme. Placer l'homme au cœur de nos préoccupations, de notre activité politique, ce n'est pas le réduire à l'état d'éternelle victime, c'est en cela que nous évoquions une certaine gauchisation du discours démocrate (1). La notion de responsabilité est consubstantielle à l'humanisme. Autant laisser la parole à l'un de ceux qui bien avant nous, l'avait déjà formalisé, Pic de la Mirandole, dans son traité Sur la dignité de l'homme :

« L'Architecte suprême a choisi l'homme, créature de nature imprécise et, le plaçant au centre du monde, s'adressa à lui en ces termes : « Nous ne t'avons donné ni place précise, ni fonction particulière, Adam, afin que selon tes envies et ton discernement, tu puisses prendre et posséder la place, la forme et les fonctions que tu désireras. La nature de toutes les autres choses est limitée et tient dans les lois que nous leur avons prescrites. Toi, que nulle limite ne contraint, conformément à la libre volonté que nous avons placé en tes mains, tu décideras toi-même des propres limites de ta nature. [...] Nous ne t'avons créé ni du ciel ni de la terre, ni immortel ni mortel, afin que, par ton libre-arbitre, tu puisses choisir de te façonner dans la forme que tu choisiras. Par ta propre puissance, tu pourras dégénérer, prendre les formes les plus basses de la vie qui sont animales. Par ta propre puissance, tu pourras grâce au discernement de ton âme, renaître dans les formes les plus hautes, qui sont divines. »


(1) Il s'agit bien de gauchisme, car même au Parti Socialiste, il n'est pas certain qu'on aurait trouvé pareil discours éculé...

samedi 18 juillet 2009

Recomposition ou pulvérisation des Centres ? (3)

Avec du retard, troisième volet de cet état des lieux de la famille centriste en France (1) avec les centristes alignés sur les grands partis de gouvernement.

Le Nouveau Centre a obtenu 3 eurodéputés lors des dernières élections et voit donc son contingent tripler. Cependant où sont ses perspectives ? Nous nous souvenons du discours d'Hervé Morin avant les législatives de 2007, expliquant que le choix stratégique de François Bayrou condamnait ses idées. Grâce au PSLE, devenu rapidement Nouveau Centre, des idées portées par l'UDF apparaissaient dans la plate-forme commune UMP/NC. Il citait deux mesures phares : le « small business act » à la française et l'introduction d'une dose de proportionnelle dans la constitution. Il est vrai que, si les néo-centristes étaient parvenus à imposer ces réformes, ils auraient eu l'arme absolue pour montrer que les démocrates faisaient fausse route. Or, il n'en est rien. Le Nouveau Centre s'affiche comme un centre inutile. Il n'est décisif dans aucune assemblée. Malgré son puissant allié (et en dépit de ses nombreuses demandes, voire des récriminations outrées de François Sauvadet), il n'a aucune présidence de commission. Lorsqu'il essaie d'apporter une nuance centriste aux projets UMP, il reçoit systématiquement, ou presque, une fin de non recevoir. 

Un exemple précis où toute la famille centriste était réunie. A la fin de l'hiver dernier, Pierre Méhaignerie (centriste dans l'UMP) demandait une contribution exceptionnelle des plus hauts revenus, Charles de Courson et Nicolas Perruchot (NC) voulaient sortir la CSG et le CRDS du bouclier fiscal, Jean Arthuis (AC) proposait une refonte complète de la fiscalité qui passait par l'élimination de ce dispositif, tandis que François Bayrou réclamait sa suppression sèche... Résultat ? Rien a changé, que l'on soit dans l'UMP, allié de l'UMP, dans la majorité présidentielle ou dans l'opposition, tous les centristes étaient d'accord, mais ils ont été incapables d'infléchir la politique gouvernementale. Preuve, s'il en était besoin, du grand cas fait par l'UMP des idées centristes et de l'inutilité du centrisme (r)allié... (2)

Autre exemple, à la marge peut-être de notre sujet : le parti de Christine Boutin. Affirmer que le Parti Chrétien-Démocrate est centriste pose problème : il ne s'en réclame pas ouvertement (au profit de l'appellation droite sociale), mais la tradition chrétienne-démocrate, en France, s'est toujours positionnée plutôt au centre-droit... Et puis, Christine Boutin a fait partie de l'UDF confédérale et incarne ce courant fait à la fois de préoccupation sociale et de conservatisme qu'il est difficile de catégoriser précisément. Bref, le Forum des Républicains sociaux s'est transformé en Parti Chrétien Démocrate il y a quelques semaines. Sur la page d'accueil du site, on peut lire ceci en date du 20 juin :

« Je m’adresse ici à mon ami Xavier, notre Secrétaire Général, pour lui dire la confiance que j’ai dans son action de mobilisation, la joie que j’ai à participer au gouvernement de la France et l’espérance que m’apportent les chantiers mis en œuvre par notre Président Nicolas Sarkozy.

Mais je tiens aussi à lui passer quelques messages. Nous sommes fidèles, loyaux et deviendrons exigeants !
• il n’y a pas d’unité durable s’il n’y a pas de diversité assumée et visible. Le Parti Chrétien-Démocrate est associé à l’UMP, cela ne veut pas dire caché derrière l’UMP…
• il n’y a pas d’unité durable s’il n’y a pas de débat sur le fond. Chaque composante doit apporter à l’ensemble ce qu’elle porte de meilleur. Nous jouons carte sur table mais nous ne pouvons pas accepter de jouer dans l’espace enfant ;
• il n’y a pas d’unité durable s’il n’y a pas de reconnaissance et de succès partagé. Nous serons présents pour 2010, 2011 et 2012. Nous voulons participer aux combats, qu’il s’agisse de victoire ou de défaite… mais nous ne pouvons pas accepter de collectionner les suppléances ou de nourrir des espoirs pour la 3ème génération de nos petits-enfants. Dans les régions, nous participerons à la liste ou aux listes présentées par la droite et le centre. Nous aspirons à mener le combat dans certains départements, comme ce fut le cas aux européennes, mais nous souhaitons avoir demain des élus dans les nouveaux conseils régionaux. »

Le 29 juin, elle faisait part de son mécontentement après son « jetage »



Avant de refuser une mise au placard diplomatique. Le télescopage de ces déclarations est éclairant. Il ne s'agit pas ici de défendre les idées de Madame Boutin, ou son bilan au ministère du Logement, mais il s'agit d'un autre exemple du poids des anciens UDF ralliés. En cela, François Bayrou avait raison et n'a pas été démenti (notamment à partir de 5'30'').

On pourrait faire le même type d'observation à propos des radicaux de gauche, relégués au rang de supplétifs occasionnels du Parti socialiste.

Pour les centristes, la période est sombre. Le Mouvement Démocrate n'a pas réussi à percer au cours de ses deux dernières années, alors qu'il incarnait la volonté d'offrir une troisième voie cohérente et indépendante. Pour l'instant, les faits donnent raison à Jean-Louis Bourlanges. De plus, les échecs électoraux successifs semblent contribuer à un gauchissement du discours (voir le prochain billet) qui se traduit localement par des alliances répétées à gauche (Perpignan, Hénin-Beaumont ou Aix-en-Provence). A la rentrée, les instances nationales devraient accoucher d'une stratégie nationale « cohérente » pour les élections régionales. Elle sera révélatrice de l'ambition du Mouvement à demeurer original et indépendant. A la Marguerite, on espère éviter un syndrome à l'italienne.

Les alternatives ne sont pas légions. Le ralliement à l'UMP ne permet pas de défendre plus efficacement nos idées. C'est à partir de ces faits que l'initiative de Jean Arthuis peut être comprise. Cependant, existe-t-il encore un espace pour l'Alliance Centriste ? Réunir les centres constitue un beau programme, mais déjà le Nouveau Centre traîne les pieds. En somme, l'impasse stratégique ne vaut pas seulement pour le Mouvement Démocrate mais pour l'ensemble des Centres, aujourd'hui pulvérisés et incapables de se refonder.




(1) D'aucuns diront que le Mouvement Démocrate n'est pas centriste... peut-être dans le sens où il ne cherche pas à se positionner par rapport à la droite ou à la gauche (ce qui est sujet à caution), mais François Bayrou s'est lui-même réclamé du Centre (et ce dès le soir du 22 avril 2007) et les idées de l'humanisme démocratique ont toujours été portées par le Centre en France.

(2) Impossible en pareille occasion de ne pas rappeler l'avis de Raymond Barre à ce sujet : « Un parti monolithique du type UMP n'est pas souhaitable. On a pu le mesurer à travers les multiples péripéties de 2006, du CPE à l'affaire Clearstream en passant par la fusion Suez-GDF : les désaccords étaient flagrants au sein de l'UMP, mais tout le monde s'est couché. Je regrette que des hommes comme Pierre Méhaignerie soient passés à l'UMP ». in Raymond Barre, L'expérience du pouvoir, Fayard, 2007, p.237. A noter que les deux courants « centristes » de l'UMP (Démocrates et populaires et la Convention Démocrate) semblent avoir cessé d'exister et n'ont plus aucune vitrine sur l'Internet.

jeudi 2 juillet 2009

Recomposition ou pulvérisation des Centres ? (2)

Le week-end dernier a été occupé, au Centre, par la création d'un nouveau parti : l'Alliance Centriste. Ce nom, qui relève plus du souhait prospectif que du constat, désigne la conversion en parti politique de l'association « Rassembler les Centristes » fondée par Jean Arthuis il y a un peu plus d'un an.

Le positionnement du sénateur Arthuis s'avère complexe à appréhender. Son objectif est de constituer une « confédération centriste » sur le modèle de l'UDF de 1978 et ainsi de refonder le Centre affaibli par ses divisions successives. Soit. Pour cela, il affirme avoir noué des contacts avec des responsables du Parti Radical, du Nouveau Centre et des membres du MoDem (sic... nuance qui a son importance). Il affirme vouloir être indépendant tout en étant solidaire de la majorité présidentielle. Voilà pour le projet.

Pour les membres de la marguerite, Jean Arthuis est quelqu'un d'estimable et la lecture de ses analyses en matière économique souvent éclairante, quoique le centrisme arthuisien soit clairement libéral (ici, ce terme n'a pas valeur de récrimination). Il a suivi François Bayrou lors de la création du MoDem pour le quitter lors des municipales de 2008 : il souhaitait une stratégie claire d'alliance avec l'UMP. Même si ses critiques ont été dures à l'encontre du MoDem, il a eu le mérite de ne pas jouer de l'insulte ou de l'imprécation. C'est pour cela que l'hypothèse selon laquelle Jean Arthuis serait téléguidé seulement pour nuire à François Bayrou et réussir là où le Nouveau Centre a échoué ne nous paraît pas plausible. Le sénateur Arthuis nous semble sincère (autant que peut l'être un homme politique), ce qui ne signifie pas pour autant que nous partageons toutes ses analyses.

L'idée d'une confédération des centres est séduisante. Sans partager complètement l'enthousiasme du CREC, force est de constater que le Mouvement Démocrate n'a pas su, pour l'instant, s'imposer comme un mouvement de masse et que, peu ou prou, ses résultats sont ceux de feu le CDS. En outre, le chaos consécutif à sa création n'en a pas fait une instance où le débat est aisé. Le pluralisme a du mal à s'y exprimer sereinement. Or, la question de la forme du Mouvement s'est posée en 2007. Nous nous souvenons du discours de François Bayrou à Marseille en juillet 2007 expliquant son choix d'un mouvement unitaire. L'UDF de Giscard était traversée de tensions très fortes, il n'empêche que le lien souple d'une confédération avec des partis aux idées proches, quoique différentes, constitue une alternative à prendre en compte.

Les partis ciblés par le sénateur ont-ils des choses en commun ? Le Nouveau Centre est composé de personnes qui ont fait et soutenu le programme présidentiel de François Bayrou en 2007. Certes, ils se sont fourvoyés après, mais comme l'a prédit le président du MoDem en février 2008 : « nous nous retrouverons » (écoutez à partir de 4 minutes 40). Il en va de même avec la partie programmatique du discours d'Arthuis qui ne pose aucun problème de compatibilité avec celui du Mouvement :

Notre identité se décline en valeurs humanistes, libérales, sociales et européennes. Nous sommes adeptes du développement durable et de l’économie sociale de marché. La crise à laquelle nous devons faire face est une épreuve majeure pour la France, pour l’Europe et pour le monde. Pour la première fois, nous prenons conscience des défis que nous impose la globalisation : comment arrêter la machine à exacerber les inégalités monstrueuses et à briser la cohésion sociale ? comment freiner la combustion des ressources rares et stopper le réchauffement de la planète ? Comment mettre un terme à la cupidité prédatrice de l’hyper financiarisation et briser les dérives insupportables du capitalisme financier ? comment donner à l’Europe sa vocation régulatrice et protectrice en rassemblant des Etats encore accrochés à une souveraineté illusoire ? 
Cette crise n’est pas seulement mondiale, économique, financière et sociale. Elle est une crise de l’art de vivre ensemble et des dévoiements de la pratique démocratique. Comme si les arbitrages politiques, du fait de l’horizon « court-termiste » dicté par les échéances électorales, devaient aboutir systématiquement à des déficits de nos finances publiques, à un amoncellement de dettes et à des réponses teintées de démagogies. Les enjeux de pouvoirs, écrasés par la double tyrannie de l’immédiateté et de l’annonce médiatique, n’ont-ils pas altéré les exigences de vérité, de lucidité et de courage ? 


Il peut y avoir des nuances, mais, très honnêtement, qui pourrait être contre et se dire démocrate ? On se demanderait presque pourquoi il est apparu nécessaire au sénateur Arthuis de créer un nouveau parti... Quant au parti radical, ne connaissant qu'assez peu ses prises de position spécifiques, on peut lui donner quitus à ce sujet.

La différence, comme souvent, est stratégique. Tout au long de son discours, le président de la nouvelle Alliance Centriste balance entre deux écueils : l'indépendance (qui fait défaut au Nouveau Centre) et la solidarité avec la Majorité Présidentielle (alors que le MoDem est dans l'opposition). C'est là le noeud du problème, si ce projet est honnête. Le MoDem n'est pas miscible à la majorité et le Nouveau Centre ne peut pas réellement s'autonomiser. D'autre part, est-il possible d'être dans la majorité et réellement indépendant ? Rien n'est moins sûr, l'UMP, en bon RPR rebadgé qu'elle est, admet difficilement la dissonance en son sein. Un exemple avec l'ancien euro-député Thierry Cornillet. Il a suivi le même parcours qu'Arthuis mais a rejoint le Parti Radical. A-t-il démérité durant son mandat ? Sans doute non. Et pourtant, après l'échec de la piste Ferry pour la deuxième place dans la région Sud-Est, l'UMP a préféré l'accorder à Damien Abad, récemment parachuté du Sud-Ouest... Il y a là comme un signe.

Deuxième écueil : le positionnement par rapport à la droite. La droite modérée, telle qu'elle pouvait être incarnée autrefois par le Parti Républicain, n'existe plus. Le gaullisme non plus d'ailleurs. Du coup, l'UMP est un grand parti de droite libéral-conservateur. Dès lors, il est difficile d'être allié et indépendant. Il faut atteindre une certaine masse critique pour se poser en véritable interlocuteur. Or, le rapport de force n'est pas du tout en faveur du centre seul (y compris si on ajoute toutes ses diverses incarnations). Surtout, M. Arthuis feint d'oublier un élément essentiel : la droite ne veut pas d'un véritable centre (tout comme la gauche d'ailleurs). Depuis 1978, les gaullistes n'ont eu de cesse de vouloir phagocyter le Centre et la création de l'UMP en 2002 a bien failli y réussir. 

Troisième écueil : le chef. Jean Arthuis dénonce le bonapartisme du Mouvement (1). Plusieurs réflexions... Ce bonapartisme a été bien utile depuis 2002 pour faire subsister un centre indépendant en France. Sans François Bayrou, l'essentiel de la nouvelle UDF aurait été absorbée par l'UMP. Il n'y a qu'à voir ce que sont devenus les « centristes » de l'UMP pour se convaincre du bien fondé de ce choix. De plus, le sénateur oublie un peu trop vite que la première UDF était la créature de Valéry Giscard d'Estaing. Cette confédération a fonctionné tant que son leader a eu du poids. VGE quitte sa présidence en 1996, deux ans plus tard, Démocratie Libérale (l'ancien Parti Républicain) prend son indépendance et fait éclater la confédération. Aussi, même si le fonctionnement du MoDem n'est pas sans reproche (on a vu les méfaits d'une hyper-centralisation sur la personne du chef lors des dernières européennes), il n'y a pas de parti sans grand leader. Au centre comme ailleurs. Or, le seul a en avoir l'étoffe, c'est François Bayrou.

Il ne peut y avoir de Centre que s'il est réellement indépendant des deux autres bords. S'il s'aligne sur l'un d'eux, il est appelé à disparaître ou n'être qu'un parti croupion. L'initiative de Jean Arthuis a au moins un mérite : celui de proposer la réunion de tous les Centres.

(1) Si on voulait se montrer taquin, on pourrait remarquer que l'héritier de la Maison Bonaparte a rejoint le Mouvement Démocrate.