dimanche 8 novembre 2009

Le Parti Démocrate Européen (PDE) à la dérive ?

Musarder sur l'internet réserve parfois de drôles de surprises, notamment lorsqu'on se penche sur le site du Mouvement des Citoyens pour le Changement (MCC) belge. Dans son dernier bulletin, l'écho du citoyen, le mouvement de Gérard Deprez présente le PDE au bas de sa page 3 :

« Les principaux partis membres du PDE sont le MODEM en France, La Margherita en Italie, Darbo Partija en Lituanie, le PNV en Espagne (Pays Basque), Cesta Zmeny en Tchéquie, HZDS en slovaquie,… »

Le dernier élément cité fait froid dans le dos. Le HZDS est en effet le parti de Vladimir Meciar, plutôt réputé pour ses malversations, son incompétence, ses pratiques autocratiques et son passé eurosceptique. A priori, on est loin des valeurs d'un parti démocrate européen. Au printemps dernier, la rumeur avait couru et l'Hérétique s'en était fait l'écho, sans trop y croire.

Une vérification sur le site du PDE confirme cette adhésion subreptice. Peut-être que ce parti a évolué, mais Meciar est toujours à sa tête et il est toujours catalogué comme un « parti de droite/populiste - nationaliste ». Quand on sait que le ĽS-HZDS n'a qu'un seul député européen, je doute franchement de l'intérêt, même matériel, d'un tel recrutement, en dehors de celui de Meciar qui peut ainsi ripoliner sa réputation sur la scène européenne.

En définitive, après les dernières européennes, le PDE ressemble à un bateau fantôme. Il n'y aurait qu'une dizaine de députés relevant de cette étiquette au sein de l'ADLE : les six députés du MoDem, le député du DP lituanien, celui du PNV basque, Marian Harkin (indépendante irlandaise) et donc un député slovaque. C'est là que la lecture de la page relative aux partis membres du PDE est presque douloureuse. Il y a plus de partis membres que de députés au Parlement Européen.

Si on creuse, on se rend compte que la débandade est presque complète. Concernant les partis fondateurs, le MoDem a perdu près de la moitié de sa présentation entre deux législatures, la Margherita s'est dissoute dans le Partito Democratico qui siège dans le si joliment nommé groupe S&D (n'oubliez pas l'esperluette), le MCC n'a plus de député (à moins que Louis Michel intègre la commission et qu'ainsi Gérard Deprez récupère son siège) et le Darbo Partija a vu sa délégation divisée par cinq. Si Marian Harkin et le PNV ont sauvé leur siège, les tchèques de Cesta Zmeny et les chypriotes d'Evropaiko Komma n'ont jamais eu d'élus.

Parmi les nouveaux partis membres, outre les nationo-populistes de Meciar, on trouve un autre parti tchèque « Strana pro otevřenou společnost » (aucune info trouvée en dehors du site de ce mouvement, dont le sigle est SOS... correction de 22 heures 30 grâce au commentaire de Florian : il s'agit d'un petit parti libéral et écologiste, soutenant les divers partis libéraux SNK-ED, US-DEU, Cesta změny), le troisième parti de Saint-Marin, l'Alliance populaire, un parti polonais (Stronnictwo Demokratyczne) dont l'origine remonte à la république pré-seconde guerre mondiale mais qui semble-t-il ne joue plus aucun rôle (un seul député à la diète en 1991, et depuis plus rien) et enfin un autre parti tchèque (Europska Demokraticka Strana) qui semble très lié au KDU-CSL un petit parti centriste démochrétien (on remarque que le site du PDE en fait un parti slovaque, mais le KDU-CSL est tchèque, le site de l'EDS est tchèque...). Pour faire bref, il s'agit donc, semble-t-il, en dehors du HZDS et de l'Alliance Populaire, de groupuscules dans leurs pays.

Enfin, cette impression d'arche de Noé de petits partis est renforcée par l'hétérogénéité des positionnements nationaux de chacun des membres (j'ai assez largement utilisé le site de Laurent de Boissieu) :

  • le MoDem, centre (?) progressiste (?) recherchant à créer une alternance à gauche contre la droite sarkozyste

  • la Margherita n'existe plus et Francesco Rutelli a quitté le PD sans la recréer, il n'accepte pas le glissement à gauche de son mouvement

  • le Darbo partija est catalogué centre/populiste

  • le MCC : droite/démochrétiens (ce qui est peut-être un peu excessif, le MCC provenant du centre, du Parti social-chrétien qu'il a quitté pour former le Mouvement Réformateur avec les libéraux et proposer ainsi une alternative à la mainmise du Parti socialiste en Wallonie)

  • Cesta Zmeny est un parti libéral

  • le PNV est catalogué centre/démochrétiens – autonomistes

  • Evropaiko Komma, droite/unitaristes

  • ĽS-HZDS, droite/populiste – nationaliste

  • l'Alliance populaire est un parti libéral

  • Europska Demokraticka Strana, démochrétien ? et europhile

  • Stronnictwo Demokratyczne, centre ?

  • Strana pro otevřenou společnost (Parti pour une société ouverte), ? correction de 22 heures 30 grâce au commentaire de Florian : un parti libéral et écologiste

La déliquescence des deux principaux partis fondateurs (UDF et Margherita) n'est donc pas rattrapée par le dynamisme des autres membres. La cohérence de l'ensemble pose question. En Europe aussi, la synthèse démocrate est en panne.

jeudi 5 novembre 2009

La double tragédie du Centre (4)

Dernier volet de ce bilan personnel sur le Centre en France.


Face aux évolutions du Mouvement Démocrate, le Nouveau Centre se présente comme « l'UDF d'aujourd'hui ».

Ce parti porte le fardeau des conditions de sa fondation. L'image du traître qui tourne casaque entre les deux tours de la présidentielle leur colle à la peau. Il est vrai que je me souviens de la véhémence (presque outrancière) d'Hervé Morin sur les ondes d'Europe 1 contre le candidat Sarkozy, avant le premier tour. Quelle palinodie, juste après, pour agonir d'injures Bayrou expliquant qu'il ne votera pas pour le candidat UMP. N'ayant pas milité au Nouveau Centre, je ne peux faire le portrait de ce qui s'est passé, même si la presse a pu s'en faire l'écho. Toutefois, je ne crois pas que ce mouvement ne soit peuplé que de carriéristes ou d'arrivistes tout juste bons pour aller à la source et s'aplatir devant le totem UMP. Je ne peux m'empêcher de croire que Bourlanges dit vrai lorsqu'il écrit en post-scriptum de sa lettre sur le centrisme :

« Certains s'étonneront qu'après avoir adressé un message aussi sévère au président de l'UDF je me sois cependant rangé sous sa bannière lors de l'élection présidentielle. Je leur dois une explication : François Bayrou m'avait assuré, après réception de ma lettre, que s'il n'était pas présent au second tour, il favoriserait l'élection de Nicolas Sarkozy ». (Commentaire n°119, p.720)

Je peux comprendre que des députés en désaccord avec la ligne bayrouïste aient choisi de le quitter brutalement pour sauver leur existence politique. Il est toujours un peu facile d'être courageux pour les autres. Mais finalement, ils ont sauvé leur place pour en faire quoi ? Le Nouveau Centre serait à 3 % dans les intentions de vote, ce qui signifie que, sous peu, le NC va baisser pavillon comme lors des européennes et négocier des places sur les les listes UMP... encore une fois. Si le Nouveau Centre est l'UDF d'aujourd'hui, il incarne le concentré de ce que je n'appréciais pas en elle (ce qui a fait que je n'ai jamais pris ma carte du temps de l'UDF) : un centre suiviste, réduit à l'état de supplétif du tout puissant RPR. La valeur ajoutée centriste apportée à la majorité pose question. Ce parti s'enferme (se laisse enfermé ?) dans le rôle de voltigeurs anti-MoDem alors que Jean Arthuis endosse de plus en plus le rôle du poil à gratter centriste du pouvoir UMP.

Le dernier éditorial du centrisme a sans doute raison, les partis centristes sont au fond du trou. Les régionales seront, à mon sens, décisives : soit le centrisme disparaîtra comme force politique (par insignifiance électorale ou assimilation à un des deux pôles), soit sa déliquescence fera prendre conscience aux protagonistes de sa nécessaire refondation.

mercredi 4 novembre 2009

La double tragédie du Centre (3)

Troisième volet de ce bilan à propos du positionnement tactique du Mouvement Démocrate, après l'échec dans l'édification d'un parti unitaire et celui de l'élaboration d'une synthèse humaniste.


De cette diversité et de ces atermoiements naît un malaise quant au positionnement tactique du Mouvement Démocrate. Le 22 avril 2007, François Bayrou affirmait que la France avait enfin un centre. Dans son article de Commentaire, il appelle à un dépassement de ce terme, tout en voulant en conserver son héritage. Combien de fois ai-je entendu des propos moqueurs voire infamants sur le Centre et le Centrisme dans la bouche de « démocrates » ? Ni à droite, ni à gauche, ni au centre, nous sommes alternatifs (phrase à peu près exacte tirée d'un Conseil départemental provisoire des Bouches-du-Rhône). La semaine dernière encore, à propos de ses rapports avec la gauche, François Bayrou affirmait être au centre... Alors qu'à la Grande Motte, Jean-François Kahn traînait dans la boue le concept (repris il y a peu par Corinne Lepage). Certains affirment que la position du MoDem est au centre-gauche, sans véritablement définir le contenu... On dirait même un décalque du centre-droit vieille forme où la détermination du centre ne passe que par ses alliés et non pas par son corpus programmatique. On a aussi entendu cet été l'expression de centre progressiste. Il est curieux d'aller chercher un terme du vocabulaire de la gauche pour définir son originalité intrinsèque. « Or, chaque fois qu'on accepte la langue de ses adversaires, d'une certaine manière on a perdu d'avance ». Bayrou le disait lui-même en 2007 (Commentaire n°117, p.722). Peut-être avait-il à l'esprit le Parti du Congrès indien, mais ce serait oublié que derrière les mesures sociales de Sonia Gandhi, il y a aussi les réformes libérales de Manmohan Singh. C'est dire si une nébulosité très dense enserre le Mouvement Démocrate.

Cette imprécision a eu une illustration éclatante cet été. Corinne Lepage voulait siéger avec le groupe écologiste au Parlement Européen, tandis que le PDE était décapité par le départ des anciens de la Marguerite italienne au PSE. Sagement, François Bayrou a préféré demeurer dans le groupe libéral... pour qu'à la fin de l'été, on nous explique doctement qu'il fallait faire émerger le camps de l'alternance au pouvoir sarko-umpiste. Mais les mains tendues successives au PS et à Europe Écologie ont reçu une fin de non recevoir ou presque. L'image du parti n'est qu'un peu plus écornée : triste scène que de voir les leaders oranges faire la danse du ventre devant la gauche pour sauver quelques élus tout en voulant préserver les apparences d'un dialogue politique digne. 

Un quatrième échec électoral serait lourd de conséquences. Les premiers sondages donnent le MoDem péniblement à 7 %, voire moins. Impossible de se maintenir au second tour mais la fusion est possible à ce niveau. Avec qui ? Surtout pas l'UMP, considérée comme un bloc... mais avec la gauche. Du moins, la gauche que l'on apprécie : Peillon et ses amis pour le PS (qu'on aura tôt fait de rebaptiser socio-démocrates pour montrer l'évidente proximité avec eux, même si cette appellation en France est parfaitement vide de sens), ou bien Europe Écologie (mais pas trop les Verts, un ramassis de gauchistes... qui en plus ne nous apprécient pas). Le problème réside dans notre position de faiblesse pour aborder ces discussions de second tour, d'autant que la possibilité d'union dès le premier a été très sérieusement envisagée. La posture d'indépendance annoncée il y a quelques jours s'apparente à un pis aller... De l'autre côté, il reste une nostalgie de la gauche plurielle, ou plutôt de sa logique. Et au second tour, après l'évidente entente PS/EE, entre le Front de Gauche et le MoDem, leur cœur risque de ne pas balancer longtemps. Comme il a déjà été dit au PS, on peut récupérer les voix sans faire des montages électoraux complexes. Les voix démocrates, oui, les élus démocrates, non. De plus, ce positionnement (autonomie au premier tour, alliance à gauche au second) expose le parti à un triple écueil : les électeurs de centre-droit (un reliquat UDF ?) pourraient se réfugier dans un vote Nouveau Centre ou Alliance centriste, les centristes extrêmes ne plus se déplacer, du fait de l'abandon objectif de la ligne d'indépendance et les électeurs de centre-gauche opter pour un vote utile à gauche dès le premier tour. Je ne crois plus aux vertus soudaines de la réflexion démocrate qui permettrait par un programme novateur d'emporter l'adhésion des masses (si l'électorat se déterminait seulement sur les programmes, depuis le temps, on le saurait). D'autres s'abusent en imaginant une troisième voie Modem/Europe Écologie... l'écologie n'étant ni de droite, ni de gauche... ce n'était déjà pas vraiment une science, alors en faire une idéologie, c'est assez scabreux... 

Ainsi, l'état actuel du MoDem donne raison à Jean-Louis Bourlanges. Dans sa lettre sur le centrisme (publiée elle aussi dans le numéro d'automne 2007 de Commentaire) et dans son discours au dernier conseil national de l'UDF, il annonçait tous les écueils sur lesquels le MoDem s'est fracassé au cours de ces deux dernières années. Les arguties démocrates actuelles pour justifier le nouveau positionnement tactique du Mouvement constituent un monceau de spéciosités. J'en veux pour preuve ces morceaux choisis :

« Sommes-nous voués, comme citoyens, à n'avoir le choix qu'entre deux options politiques, l'option néo-conservatrice ou l'option archéo-socialiste, alors que nous croyons qu'elles sont toutes deux erronées et promises à l'échec parce que ne répondant ni à l'attente des citoyens ni à celle des temps. » (Commentaire n°119, p.721)

« Le projet démocrate est gravement en contraste et en opposition avec le projet socialiste » (Commentaire n°119, p.729)

Il ne m'a pas semblé que le PS ait bouleversé sa ligne au point d'infirmer ces déclarations.

Après deux ans de militantisme actif au sein du MoDem, il me semble que les raisons qui ont présidé à mon engagement ne sont plus. Le Mouvement Démocrate n'est pas (plus ?) une formation qui cherche à constituer une troisième voie qui dépasserait les impasses du socialisme ou du libéralisme conservateur en sublimant l'héritage des centres en France. Ou, si j'ai mal compris et que cela demeure effectivement l'objectif final dans les hautes sphères du MoDem, les moyens mis en œuvre ne me paraissent ni adaptés, ni justifiés, ni mêmes opératoires. Je n'ai pas renouvelé mon adhésion et ne trouve aucun argument valable pour le faire. 

La pensée de François Bayrou demeure intéressante à plus d'un titre. L'offre politique du Mouvement Démocrate peut s'avérer ponctuellement la meilleure (ou la moins mauvaise), mais pour consacrer, avec sincérité et abnégation, une partie de son existence à la chose politique, il faut davantage qu'une adhésion de surface


mardi 3 novembre 2009

La double tragédie du Centre (2)

Première partie de ce bilan ici.


Le problème de l'hétérogénéité du Mouvement Démocrate s'est posé avec d'autant plus d'acuité que la ligne « idéologique » (ou programmatique, ce terme devrait être plus juste...) n'a jamais été clairement fixée. Certes, des bases ont été posées à Seignosse, à Villepinte, au Cap Estérel... mais force est, à nouveau, de constater que le Mouvement n'a jamais tranché véritablement sur son identité. Il suffit de lire les propositions du parti sur le site officiel ou sur les blogs démocrates pour se rendre compte qu'on procède toujours par accumulation. Être démocrate, c'est être humaniste, solidaire, écologiste (ou pour le développement durable, voire pour le développement soutenable), un peu libéral (mais pas trop)... Cela cache mal la faiblesse du mot démocrate pour distinguer une famille politique. Il ne viendrait à l'esprit de personne de dire que ceux qui n'appartiennent pas au MoDem ne sont pas pour la démocratie. Ce terme n'a aucune épaisseur historique ni une singularité véritable en France, au contraire des États-Unis. Et pour l'instant, François Bayrou a échoué à lui donner un contenu positif. Il y a des idées souvent bonnes dans Projet d'espoir, dans Abus de pouvoir, dans les ouvrages de Jean-François Kahn, de Marielle de Sarnez ou de Corinne Lepage. Mais on saisit mal la cohérence d'ensemble, la racine commune. La diversité a ses vertus, encore faut-il qu'elle soit un tantinet ordonnée.

L'article fondateur « Du Centre au projet démocrate » paru dans Commentaire à l'automne 2007 constituait une première ébauche. Avec le recul, il s'apparente en fait à un point d'orgue de la réflexion démocrate. Au lieu de subsumer la diversité des aspirations démocrates, le discours du mouvement s'est effiloché en thèmes voire interprétation différents... Les positions dissonantes de Cap 21 en sont une expression. Surtout, certaines affirmations ont été oubliées. La critique de l'État thaumaturge a disparu de la ligne officielle. L'allusion à une Europe Fédérale a été largement minorée au cours de la dernière campagne. Faites l'expérience suivante : lors d'une réunion du Mouvement Démocrate, reproposez certaines idées du programme présidentiel de 2007. On vous traitera « d'UDF de droite » (ce qui pour ces personnes revient à un pléonasme, et oui pour certains, le MoDem devait – doit – servir à la rénovation de la gauche). De telles divergences rendaient d'autant plus illusoire la constitution d'un parti unitaire. La publication récente du document de travail pour le congrès d'Arras ne me fait pas varier dans cette appréciation. On empile les valeurs, mais on cherche l'épine dorsale qui expose de manière éloquente la singularité de notre famille de pensée. Dans son article de 2007, malgré les allusions au rapport entre hasard et nécessité ou au culte de l'argent, François Bayrou n'évoque plus la référence démocrate-chrétienne, lui qui en a été un défenseur au CDS... Le recours à la notion d'humanisme pouvait constituer comme en Belgique un moyen de séculariser ce corpus d'idées... Mais là où le cdH (Centre démocrate humaniste) wallon est capable de produire des textes comme Le sens du politique de Laurent de Briey, qui pose ce qu'est fondamentalement l'humanisme démocratique, le Mouvement Démocrate ressasse les mêmes références éparses entre Marc Sangnier, Montesquieu et des mots d'ordre « écologistes » (liste non exhaustive bien évidemment).

Certains exciperont alors la vieille antienne sur la jeunesse du mouvement, sur le caractère profondément novateur de la synthèse « démocrate ». La lecture de l'ouvrage de Marie-Nelly Denon-Birot De la démocratie chrétienne à Force Démocrate (1) vous ouvrira les yeux. Dans les pages 187 et suivantes, cet auteur reproduit la charte des valeurs de Force Démocrate (créée en 1995). La confrontation avec l'article de Bayrou de 2007 s'avère éloquent. Tout y était déjà. Dans le même ordonnancement ou presque, écologie y compris... (à l'époque le rôle de CAP21 et des quelques verts ralliés devait être tenu par Génération Écologie). Le Mouvement Démocrate n'est pas une innovation, c'est une redite amplifiée. Cependant, là où Force Démocrate a sombré à partir de 1997, le contexte électoral de 2007 nous a fait croire que ce pari pouvait être réussi. En vain. La définition d'un humanisme démocratique à la française, en près de quinze ans, n'a pas progressé. L'empilement de valeurs vaguement définies permettent toutes les interprétations qui, de fait, cohabitent difficilement dans un parti unitaire.


(1) Marie-Nelly Denon-Birot, De la démocratie chrétienne à Force Démocrate, L'Harmattan, Paris, 2000, 206 pages.

lundi 2 novembre 2009

La double tragédie du Centre (1)

Ce qui suit est issu de la fusion de plusieurs idées de billets, restés à l'état de brouillon. Du fait de sa longueur, il a été divisé en quatre. En voici le premier volet.


Les prises de position actuelles des différents partis issus du Centre permettent de tirer un bilan des deux années qui ont suivi l'adhésion de l'UDF au Mouvement Démocrate. 

En 2007, deux tendances se sont dégagées dans la famille centriste : une proclamant la nécessaire indépendance du Centre pour perturber le fonctionnement bipolaire du système électoral français, l'autre affirmant la nécessité de rester arrimé au grand parti de droite pour exister.

François Bayrou a porté avec panache l'idée d'un Centre indépendant. La tenue programmatique de la campagne présidentielle et le score du premier tour ont soulevé un enthousiasme certain, identifiable à une vague nouvelle d'adhésions. Enfin, le centre français affichait son indépendance face au RPR. De quoi sauter le pas de l'engagement politique pour les sympathisants UDF, mal à l'aise devant la vassalisation de la famille centriste jusque là. Deux ans après, force est de constater que cette entreprise a fait long feu. L'échec, me semble-t-il, porte sur trois aspects : la structure partisane, le déficit idéologique et le positionnement stratégique.

Pour qui a assisté à des réunions MoDem au début de l'été 2007 (dans les Bouches-du-Rhône et sans doute ailleurs), il y avait de quoi être médusé. Naïvement, j'avais cru que la nouvelle structure consistait à élargir l'UDF libre. En fait non. La plupart des nouveaux adhérents voulaient en finir avec l'ancienne structure UDF et ses cadres. Leur entrée récente en politique ou le départ de leur précédente formation fondaient, en soi, leur légitimité. Un élu UDF (même fidèle à la ligne Bayrou) incarnait nécessairement une politique du passé, une subordination aveugle ou latente à la droite et un refus de pratiques authentiquement démocratiques que le nouveau parti devait porter. Ici bas, c'était l'anarchie et des engueulades interminables. Simple crise de croissance ? Non, docteur, c'était pire. François Bayrou avait réussi a faire une campagne populaire sans les dérives basistes du protocole mis en place par Ségolène Royal... Or, mutation curieuse, l'élection présidentielle passée, le MoDem a été submergé par une vague basiste. Le petit et le sans grade se trouvaient beaucoup plus légitimes qu'un élu, un cadre ou un responsable au seul prétexte qu'il était nouveau sous la bannière orange.

Il me semble donc que le départ des députés UDF a fait beaucoup plus de mal au nouveau mouvement que prévu. J'ai ici un désaccord avec l'excellent Bob qui sur son blog affirmait récemment : « La différence c'est peut-être aussi que Bayrou a une responsabilité dans ce qu'est aujourd'hui le NC, alors que les fondateurs du NC n'en ont aucune dans la situation actuelle du MoDem. » Et bien non, le départ des députés a décrédibilisé la volonté d'indépendance de l'UDF libre aux yeux des nouveaux soutiens de François Bayrou. Finalement, cette UDF-là, c'était bien la droite et que la droite... De plus, cela a décapité une partie des fédérations, contribuant un peu plus au bazar démocrate. Au cours de cet été 2007, le mouvement naissant a été plongé dans une forme d'anomie. Seignosse n'ayant rien tranché, la tardiveté du congrès de Villepinte (sans doute due à des difficultés matérielles) n'a pas arrangé cet état de fait... Surtout que les premières véritables élections du nouveau mouvement (les législatives n'étaient qu'une forme de redite par rapport aux présidentielles), les municipales, se préparaient déjà... Ces élections ont révélé une chose : comme toutes les familles politiques, les démocrates avaient attiré à eux un ensemble hétéroclite d'arrivistes, recherchant une étiquette porteuse pour satisfaire leur soif de conquête électorale. En dehors du président-fondateur, il n'y avait pas, localement, d'autre instance de légitimation. Tout était permis ou presque. Au lieu d'appliquer des statuts et de respecter des règles, on a vu se développer des réseaux plus ou moins informels, issus d'anciennes allégeances... Ne t'inquiète pas, j'ai eu untel au téléphone, j'aurai l'investiture... Avec de telles pratiques, il n'est pas étonnant qu'il y ait eu des étincelles entre nouveaux adhérents et structure UDF restante. Les Bouches-du-Rhône en ont donné un exemple tristement célèbre... Pour Arles et Marseille, les anciens UDF furent désavoués au profit d'anciens verts : il fallait montrer le visage d'un parti rénové. Après tout, soit. Mais ce maelström, dans ce contexte, a été très mal géré (pouvait-il en être autrement ?). Il a fait éclater au grand jour l'ambiance de guerre civile qui régnait dans le mouvement. Finies les envolées lyriques, bienvenue à la politicaillerie de bas étage. Un mouvement unitaire ? Non, plutôt une armée mexicaine... Les défaites se succédant, l'enthousiasme est retombé. La constitution des mouvements départementaux n'a pas arrangé la situation. Au contraire, elle a été l'occasion de solder les comptes après les municipales. Le militant orange s'est fait plus rare lors de la campagne européenne... et il y a fort à parier que la situation ne sera pas meilleure pour les régionales. Ceux qui voudraient réduire ce phénomène à un simple effet de mode qui s'estompe se trompent. Il y a surtout eu une profonde désillusion de voir que, pour beaucoup, les ennemis du MoDem se trouvaient déjà dans le parti et qu'il fallait les marginaliser. En définitive, les difficultés de construction du MoDem ont largement résidé dans cette difficile quête de légitimité des adhérents et dans sa reconnaissance par les autres, en dépit du travail d'une armée de médiateurs...

Le choix, justifié dès 2007 par François Bayrou, d'un mouvement unitaire a ainsi obéré le développement de notre famille politique. En juillet 2007, à Marseille, le leader orange avait expliqué ce choix : il ne fallait pas réitérer les erreurs de l'UDF confédérale et ses chicaneries perpétuelles. Il est vrai que faire l'histoire de l'UDF « giscardienne » de 1978 à 1998, c'est porter le regard sur des luttes continues de préséance entre grandes et petites formations, entre les démocrates-chrétiens et les libéraux. Mais, en définitive, le Mouvement Démocrate « unitaire » a-t-il fait mieux ? Au bout de deux années, on trouve le même bazar, les succès électoraux en moins. La famille centriste (ou centripète) est trop diverse pour être enfermée dans une construction monolithique. Le génie de Giscard était de l'avoir compris, l'orgueil de Bayrou a été de vouloir s'en affranchir. L'enthousiasme de 2007 nous a aveuglé sur la profonde hétérogénéité et l'irréductibilité de l'électorat bayrouïste.

dimanche 1 novembre 2009

Echo d'Italie : Francesco Rutelli quitte le Parti Démocrate

Ce départ ne constitue pas en soi une surprise. L'ancien leader de la Margherita s'était déjà montré très critique sur l'évolution de son nouveau parti. L'élection de Bersani la semaine dernière l'a convaincu de quitter le navire.

Dans son entrevue au Corriere della Sera, il explique que le Parti Démocrate n'est pas véritablement né puisqu'en définitive, il s'agit d'un parti démocratique de gauche avec un nombre important de personnes de centre-gauche. Il évoque ainsi quatre arguments pour justifier son départ. Tout d'abord, il évoque trois conditions qui avaient été posées au moment de la dissolution de la Marguerite dans le PD : ne pas confluer dans le socialisme européen, rénover les rapports entre la classe politique et la société civile et offrir une proposition politique originale. Or, aucune de ces trois conditions n'a été respectée : le PD siège au sein du PSE au Parlement Européen, le PD a conservé les liens traditionnels de la gauche italienne avec la CGIL (l'équivalent de la CGT italienne) et le PD n'a pas été capable de proposer une synthèse originale. À ce propos Rutelli fait un constat sans appel sur la sociale-démocratie, norme idéologique objective de son ancien parti :

« Je ne rejette pas absolument la sociale-démocratie. En effet, si nous étions en 1982, je dirais que je l'admire. Mais nous sommes en 2009 : c'est une expérience historique qui n'a aucune chance de parler à nos contemporains. Il n'y a plus les usines, les syndicats et les structures sociales du XXe siècle. »

Ainsi, le PD n'est qu'une énième forme de la gauche italienne succédant « naturellement » au PCI, au PDS et aux DS.

Francesco Rutelli, qui a co-fondé le Parti Démocrate européen avec François Bayrou, annonce une force politique nouvelle, afin de s'opposer au populisme de droite, dont les partenaires privilégiés pourraient bien être les démocrates-chrétiens de l'UDC.

Comparaison n'est pas, toujours, raison, mais l'exemple italien devrait donner à réfléchir aux centristes français qui ne jurent que par une alliance à gauche pour mettre en échec le pouvoir sarkozyste.