jeudi 24 septembre 2009

Vous avez dit "large rassemblement" ?

Dire que j'ai des doutes sur la ligne tactique du MoDem depuis août dernier (alliance à gauche à l'exclusion de tout autre partenaire pour former l'alternance) procède de l'euphémisme. Au-delà de mes convictions personnelles, il me semble, empiriquement, que cette façon de faire n'est pas efficace et contribue au délitement du Centre en France.

Aux municipales partielles d'Aix-en-Provence, de Perpignan ou d'Hénin-Beaumont, les listes Gauche/MoDem ont échoué. Récemment, plusieurs résultats de cantonales partielles (une élection plus politique, où l'étiquette joue un plus grand rôle) sont proprement catastrophiques : Argenteuil-Est 2,24 % pour le candidat MoDem, sixième canton de Nice 2,92 %. Dans ce cas, la candidate de l'Alliance centriste parvient même à faire mieux (3,35 %)...

Aussi, il y avait de quoi être surpris en lisant la Provence du 23 septembre. Le délégué départemental de la Fédération des Bouches-du-Rhône, Christophe Madrolle, nous explique que « les dernières élections de Briançon ont démontré qu'un large rassemblement, de la gauche au MoDem, était une stratégie qui se révélait payante ». Dont acte, mais avant cela, croisons les sources d'information.

Rien sur le blog MoDem des Hautes-Alpes... La liste gagnante étant celle de M. Fromm, un petit tour sur son site de campagne s'impose... Une belle guirlande d'étiquettes des Verts au NPA en passant par le PS, le PCF et Europe décroissance... mais du Mouvement Démocrate, pas la moindre trace, sauf peut-être la couleur orange. Parmi les co-listiers, sauf erreur (ou absence de mise à jour) rien non plus. Le candidat du MoDem, Michel Sylvestre, qui a perdu 4 % entre deux municipales, ne dit rien sur son blog qui ne fait même pas apparaître le logo du Mouvement. On peut à peine lire un communiqué du 21 septembre pour accuser la candidate UMP d'avoir précipité sa défaite en refusant de le rencontrer. Rien sur une éventuelle fusion. Et pour cause, il n'y en pas eu... Pas même une consigne de vote...

La presse parle d'une victoire de la gauche et rien d'autre. Il n'y a pas à dire : la stratégie du grand rassemblement a été payante... pour la gauche. Le MoDem, lui, n'a obtenu aucun élu ni aucune concession sur le programme municipal. Un bel exemple porteur d'espérance pour l'avenir, à n'en pas douter...

Décidément, le crapaud est frit...

jeudi 17 septembre 2009

La communication du MoDem 13 – Mieux vaut moins mais mieux...

À quelques jours d'intervalle, la présidence collégiale du MoDem13 s'est signalée par une communication que d'aucuns pourraient trouver, au moins, discutable.

Première sensation curieuse à la lecture du communiqué de presse tombé dans ma boîte mail lundi dernier(1). Voici :

Hortefeux, le ministre de la honte

Le MoDem des Bouches du Rhône dénonce fermement les propos racistes tenus par le ministre Brice Hortefeux. Nulle personne de bonne foi ne peut sincèrement croire aux explications alambiquées du ministre. M. Hortefeux a démontré, s’il en était besoin, qu’il n’avait rien à envier au Front National et que le racisme ordinaire est bien ancré dans l’esprit de ceux qui nous dirigent aujourd'hui. Nous rappelons que les propos racistes sont un délit dans notre pays 

   Le MoDem n’oublie pas que Marseille a été aussi libérée par des français venus d’Afrique qui ont versés leur sang pour que nous puissions aujourd'hui vivre libre et nous exprimer…..au risque de se voir salir par un  ministre de la république.


Saïd Ahamada

Vice président et porte parole du MoDem des Bouches du Rhône


Après avoir appris que la présidence collégiale avait été considérablement élargie (pourtant, il y avait déjà sept personnes...), on découvre que la fédération des Bouches-du-Rhône a un porte-parole. C'est toujours une bonne chose de se structurer, quoique...

La gestion du temps s'avère désastreuse. Oui, les propos du ministre sont navrants, mais tout le monde l'a déjà dit (en dehors de la droite UMPiste) et ce communiqué n'apporte rien (2). Le nouveau porte-parole se paie même le luxe d'ajouter une balourdise supplémentaire en évoquant la libération de Marseille en 1944... Ces faits changent-ils la nature des propos de Brice Hortefeux ? Et quand bien même Marseille aurait été libérée par les seuls Américains en 1944, cela absoudrait-il le ministre de l'Intérieur ? Non. On aurait pu, par contre, mettre en avant le facteur aggravant de la communication de crise de la place Beauvau. En plus des propos tenus, on a pris les électeurs pour des idiots en affirmant qu'il parlait des photographies ou des auvergnats. Cela rappelle presque un sketch des Inconnus. Interdit de rire...


Deuxième sensation curieuse aujourd'hui avec la déclaration du co-président et du délégué départemental du MoDem 13 (exit le porte-parole) à propos de la phrase de Jean-Claude Dassier sur sa présidence à l'OM qui ne sera ni « à la libanaise, ni à l'africaine ».

« Après les propos de Brice Hortefeux, ceux de Jean-Claude Dassier sont complètement déplacés et insultants pour Pape Diouf. Nous tenons à rappeler que Marseille est une ville multiculturelle, d'accueil, de solidarité et d'espérance ».

Peut-être y avait-il une intention malveillante de la part de Jean-Claude Dassier, mais il y a fort à parier, en l'occurrence, que cela concerne avant tout une rivalité d'ordre personnel. Et puis surtout, la déclaration n'est pas si absurde en soi. Le contraste entre la présidence libanaise, constitutionnellement faible et les présidences africaines, assez peu souvent démocratiques (voire autoritaires), paraît signifiant. Certes, cette déclaration, dans un contexte sans doute tendu (ce qui expliquerait la fuite), est malheureuse, mais fallait-il politiser cette affaire ? Le fait que Marseille soit « une ville multiculturelle » change-t-il quoique ce soit au fait qu'en dehors des pays comme le Ghana, l'Afrique du Sud ou le Sénégal, les états africains relèvent rarement de la démocratie libérale et pluraliste ? Les marseillais, quelle que soit leur origine, le savent.  

La communication constitue une dimension obligée de l'action politique, mais encore faut-il le faire à bon escient. Entre suivisme et politiquement correct éculé, on cherche la pertinence et surtout l'originalité de ces dernières déclarations.

(1) À ce propos, malgré la date qui figure aujourd'hui sur le site de la Fédération (le 12 septembre), le communiqué n'y figurait pas lundi dernier, 14 septembre...

(2) Sauf erreur de ma part, le site national n'a pas jugé bon de faire apparaître de communiqué spécifique à ce sujet.

mercredi 16 septembre 2009

Revue de Commentaire : les élections européennes des 6 et 7 juin 2009

Le numéro 127 de la revue Commentaire, qui vient de paraître, contient un article très éclairant sur le scrutin de juin dernier dont voici quelques traits.

A droite, Pierre Martin note que les faibles résultats (27,9 %) pour l'UMP-NC « correspond eux aussi, contrairement à de nombreuses analyses, à un vote sanction contre le pouvoir gouvernemental et Nicolas Sarkozy », notamment par l'électorat ouvrier. L'auteur remarque également l'écart entre la droite française et ses homologues allemande (37,9 % pour la CDU-CSU) et italienne (34,7 % pour le PDL de Berlusconi), alors que ces trois partis se trouvent dans des situations très semblables.  

Pour le PS, la déroute proviendrait de la défection de deux composantes de son noyau électoral : « les cadres moyens et supérieurs d'orientation culturelle libérale (les « bobos ») et les milieux populaires urbains à forte proportion de Français d'origine immigrée ». Les premiers ont voté Europe Ecologie, les seconds se sont largement abstenus. Du coup, les listes PS doivent leur salut à leur électorat traditionnel (« milieux ruraux de tradition gauche laïque, anciens milieux ouvriers »).

Enfin pour le centre, l'analyse des résultats recoupent quelques-unes des intuitions contenues dans ce billet.

"Au centre, le MoDem de François Bayrou subit un net échec, mais il est très exagéré de parler d'effondrement comme certains commentateurs, car il obtient quand même six sièges, les principaux candidats têtes de liste étant élus sauf dans la circonscription Centre où il n'y avait que cinq sièges en jeu. En fait, le MoDem obtient avec 8,5 % un résultat proche de celui des législatives (7,6 %), et cela n'est pas par hasard. Comme aux législatives de 2007, l'analyse des résultats montre que le MoDem ne rassemble que les suffrages des électeurs venant du centre droit, surtout de l'ancienne UDF, que François Bayrou a entraînés dans sa rupture avec la droite, mais qu'il a perdus au profit de l'UMP-NC la partie la plus droitière de l'électorat UDF de juin 2004. Il ne bénéficie pas significativement de suffrages venant de la gauche, y compris des électeurs qui avaient voté pour lui au premier tour de la présidentielle et étaient retournés vers le PS (et vers les Verts) aux législatives. Ce sont les listes écologistes menées par Daniel Cohn-Bendit qui ont absorbé les pertes socialistes. La géographie électorale du MoDem reste marquée par celle du centrisme : Ouest normand et breton, sud du massif central, Est alsacien et lorrain. François Bayrou paye sa forte implication dans la campagne sur des thèmes nationaux et sa polémique avec Daniel Cohn-Bendit. Son principal échec reste son incapacité à attirer des électeurs de gauche alors que le PS est en grande difficulté".

De quoi s'interroger sur la stratégie "démocrate" à l'œuvre depuis ces élections...


Toutes les citations sont tirées de l'article « Les élections européennes des 6 et 7 juin 2009 » de Pierre Martin, in Commentaire n°127, automne 2009.

dimanche 13 septembre 2009

Katyn, l'étrange mémoire

Cela commence en mars dernier dans la Nouvelle Revue d'Histoire.


Pour qui s'intéresse à l'histoire militaire ou aux domaines délaissés depuis l'Ecole des Annales, elle constitue un complément agréablement écrit de la revue L'Histoire, à une réserve près : son comité de rédaction est réputé très à droite. Aussi, faut-il prendre du recul par rapport aux articles un peu trop éditorialisés, pour ne pas dire orientés. La lecture critique, ici plus encore qu'ailleurs, s'impose. Le caractère tranché des avis qui y paraissent ont au moins le mérite de décentrer le lecteur habitué aux publications plus académiques.


Dans son numéro 41 en date de mars-avril 2009, la NRH comportait dans sa rubrique « l'Histoire à bout portant » (ce qui constitue en soi tout un programme...) un article intitulé « Katyn à la trappe ». C'est à cette occasion que j'ai appris l'existence du film d'Andrzej Wajda et de ses difficultés de distribution en France. N'étant pas spécialement cinéphile, j'avais une idée peu précise de la filmographie de ce cinéaste, mais, si j'avais dû citer un réalisateur polonais, ce nom me serait venu à l'esprit juste après Kieslowski. L'article se veut polémique en commençant par la question suivante « Qui le film du Polonais Wajda gêne-t-il en France ? ».


L'auteur, Norbert Multeau, explique dans son papier que Wajda n'est plus en odeur de sainteté pour « l'intelligentsia française » depuis Danton en 1982. Il rappelle les faits ainsi que le lien personnel du cinéaste avec le massacre de Katyn puisque son père a fait partie des victimes. Enfin, il décrit à grands traits le long métrage, le parti pris des victimes et de leur famille, avant de de finir sur la scène terminale du massacre proprement dit. Il conclut par ses mots : « Si ce film n'avait qu'une vertu, ce serait celle-là : prouver que l'histoire est toujours à réviser, nonobstant les vérités officielles et les « lois mémorielles ».


Autant dire que cet article a piqué ma curiosité. Dès que le film a été à l'affiche d'un cinéma dans les Bouches-du-Rhône (avec moins de quinze copies pour la France, il valait mieux ne pas attendre), je suis allé voir cette œuvre que les critiques jugaient trop académique. Plusieurs constats. La description du film de Norbert Multeau s'avère assez juste. On peut insister sur la retenue du film qui ne sombre pas dans le mélodrame historique, sur l'utilisation parcimonieuse mais saisissante de la musique de Penderecki. En revanche, il n'y a pas de grandes révélations dans le film (était-ce son but d'ailleurs ?). Le massacre de Katyn est connu, comme les implications du pacte germano-soviétique, ou même la douloureuse après-guerre pour une Pologne à qui Staline n'a pas laissé le choix de son devenir. Œuvre de fiction, Katyn de Wajda rend sensible le destin polonais, éventuellement, elle vulgarise cette part d'histoire nationale. Aussi, je rangeais les « vérités officielles » évoquées par Norbert Multeau parmi les traits strictement polémiques de la NRH.


Tempête dans un verre d'eau ? Je me le suis dit en sortant de la salle. Le cinéma connaît une période difficile, Katyn ne serait pas le dernier film à voir son audience réduite par une distribution au lance-pierres. D'ailleurs, la revue de presse de Commentaire (n°125) reprend un article de Bernard Père paru dans le Figaro qui fait l'éloge du film en s'étonnant du peu d'entrain suscité en France. Affaire classée ? Ce n'est pas certain. Je m'étonne de l'écart entre le titre original de l'article – Pourquoi Katyn gêne-t-il toujours ? – et celui choisi par la revue – Ne pas oublier Katyn. Drôle de conjonction entre la NRH et le Figaro...


Pas si drôle que cela en fait. Le numéro 126 de Commentaire relaie une réponse d'Adam Michnik à l'article du 1er avril de Jean-Luc Douin parus tous les deux dans le Monde. Ce dernier fait deux critiques au film de Wajda. « La première concerne le renvoi dos à dos des nazis et des Soviétiques comme prédateurs du territoire national. (…) le film est conçu comme une bombe antisoviétique*. » Selon l'auteur, « ces exécutions de masse sont conçues comme un nettoyage de classe ». La motivation change-t-elle la nature et la gravité du massacre ? Est-il plus horrible de massacrer des gens parce qu'ils sont polonais ou parce qu'il s'agit d'ennemis de classes ? Je ne pensais pas que ce type de raisonnement était encore possible.


« La seconde est l'étrange confusion entre Katyn et le génocide des juifs*. » Diable, j'ai vu le film sans y prêter attention. « Rien, aucune allusion, dans le film, sur la Shoah, mais une description des rafles, de la traque des familles d'officiers polonais, comme s'il s'agissait de la déportation des juifs en camps. Détail troublant : ces proies d'un massacre programmé sont viscéralement attachées à leur ours en peluche. Or le Musée Yad Vashem de Jérusalem a fait de l'ours un symbole de l'extermination des enfants juifs, du martyre d'un peuple*. » On reproche donc à un film sur les victimes de Katyn de ne pas traiter de la Shoah... Ainsi, on accuse un film de confusion parce qu'il ne traite pas ce qu'il ne s'est jamais proposé de traiter. Est-ce qu'il tait quelque chose d'inconnu ? Non, bien heureusement. Mais cette critique a ceci d'abjecte qu'elle instaure une concurrence des mémoires. « Le juif n'existe pas. La victime de la seconde guerre mondiale, c'est le Polonais*. » Non, les victimes de Katyn, ce sont les Polonais. C'est là le sujet du film, son parti pris. L'accusation voilée d'antisémitisme paraît incongrue et surtout mal venue, comme s'il s'agissait de décrédibiliser l'œuvre dans son ensemble.


Les conclusions des deux articles repris dans Commentaire (Adam Michnik puis Leonid Heller) :


En conclusion, la critique du Monde constate « l'ambiguïté de la représentation des juifs dans le cinéma polonais ». or le cinéma polonais n'est pas un monolithe, il est représenté par une multitude de personnalités, de perspectives, de styles/ C'est pourquoi il est insensé de généraliser cette question, comme il est insensé de reprocher à Wajda d'avoir polonisé le symbole du martyre du peuple juif – l'ours en peluche.


Résumons, le Monde a publié un article confus, anachronique, récupérant un sujet grave pour se complaire dans des clichés anti-polonais, confortant les antisémites qui reprochent aux Juifs de tirer profit de la Shoah. On espère qu'il n'a rien en commun avec la position du journal. On espère aussi pouvoir un jour y lire une vraie analyse aussi bien des « ambivalences » polonaises que des lectures françaises de celles-ci.


Décidément, c'est à se demander si une certaine gauche n'est pas l'allié objectif d'une certaine droite. Il est parfois bon d'être centriste. J'en étais là début juillet.


Le discours de Vladimir Poutine (1), il y a plus de dix jours à Gdansk, a ranimé ces réflexions dans mon esprit. Dans un article de Courrier International, on lit comment le premier ministre russe appelle à la réconciliation avec la Pologne (ce qui est louable). Cependant, il le fait là aussi en faisant jouer une malsaine concurrence mémorielle : les morts de Katyn contre les prisonniers soviétiques abattus en 1920, mais aussi en excipant les millions de morts de l'URSS durant la Seconde Guerre mondiale. Et surtout, dans ces déclarations alambiquées où l'inattaquable voisine l'incongru, on peut lire « Nous étions ensemble dans cette bataille pour l'avenir de l'humanité. » Le « nous » sonne faux. On sait comment le gouvernement en exil (et ses partisans) de Mikolajczyk ont fini juste après 1945. 


D'ailleurs, le SVR (services secrets russes) a révélé dans la foulée que « Une part de la responsabilité dans le déclenchement de la seconde guerre mondiale repose sur la Pologne, c'est pourquoi ils essaient de déformer les faits historiques » (Le Monde, 3 septembre 2009). On cherche encore en quoi cela disculpe l'URSS du massacre de Katyn.


Décidément, notre époque a une étrange mémoire. Aussi étranges que certaines résonances entre un critique du Monde, un premier ministre russe et un contributeur de la NRH.


* Toutes ces citations sont tirées de « Katyn », film poignant et douloureux pour Wajda (Le Monde, 1er avril 2009).

(1) http://www.courrierinternational.com/article/2009/08/31/vladimir-poutine-joue-la-carte-de-reconciliation