Ce billet se penche surtout sur des questions de posture médiatique, j'avais déjà fait état de mon sentiment sur le centre gauche ici.
La longue tribune de Jean-Luc Bennahmias dans Marianne, il y a quelque semaines, m'avait hérissé par sa capacité à ressasser de vieilles antiennes, sur le caractère profondément innovant de Mouvement Démocrate et son irréductible altérité avec un parti centriste. Si on se montre un peu plus attentif à la communication de la clique Écologie et Démocratie, on se rend compte qu'il y a une stratégie à l'œuvre posant comme une évidence le destin au centre-gauche du parti de François Bayrou.
Durant l'été, l'idée d'un groupe villepiniste autonome fait son chemin. Pour atteindre le seuil de quinze députés, les observateurs ont tôt fait d'additionner les républicains solidaires et les trois démocrates. Réaction de notre euro-député : cela manque de personnalités de centre-gauche (tout en se gardant bien d'expliquer qui sont ces fameux députés).
L'idée d'une refondation de la famille centriste revient à plusieurs reprises dans les médias (gloire soit rendue à Jean Arthuis pour avoir mis cette perspective sur la table depuis près de deux ans). Dans sa tribune du 13 septembre, Jean-Luc Bennahmias, qui parvient à défendre tout et son contraire en deux pages (j'y reviendrai) balaie cette option d'un revers de main :
L'Union des centristes, celle des écologistes comme autrefois des trotskistes [notez la qualité de la comparaison], sont très "tendance". Certes, réunir le plus grand nombre de personnes de sa famille est en soi légitime. Il reste qu'unir les démocrates du MoDem et les centristes qui pensent que, en dehors de M. Sarkozy, il n'est point de salut, relèverait du même exploit que de rassembler les écologistes adeptes du développement durable et les fans de la décroissance.
Une simple lubie de nostalgiques, une mode passagère... ce qu'il faut vraiment à la France réside dans un rassemblement des « progressistes ». Conclusion bizarre que de prendre un terme de gauche quand on dit vouloir réunir au-delà des clivages partisans.
Jean Arthuis fait partie des invités de l'Université de rentrée du MoDem. Réaction de Christophe Madrolle (l'éminence grise de Bennahmias) : « Est-ce qu'Arthuis serait prêt à participer à un rassemblement de centre gauche ? » Comme si cette orientation (toute vague soit elle) était officiellement la ligne du Mouvement (sauf erreur de ma part, Bayrou a parlé de centre progressiste, de centre tout court, de projet démocrate mais jamais de centre-gauche).
Cette semaine, nouvelle volée des compères verdâtres. Il faut dire qu'en plus du président de l'Alliance centriste, l'UR démocrate accueille également Jean-François Mattéi, Jean-Claude Casanova ou Luc Ferry ce qui apporte une forte coloration UDF à l'ensemble. On est assez loin du rassemblement-salmigondis rose-vert-orange dont il ne reste plus qu'un site internet à l'abandon.
Certes, François Bayrou et une partie des cadres du Modem sont issus de feu l'UDF. Mais le Modem n'est pas destiné à s'inscrire dans le centrisme au sens traditionnel du terme. En tant qu'ancien Vert, j'en suis la preuve vivante.
Mauvaise foi et amnésie en très forte concentration. L'idée que l'UDF est morte constitue une vieille rengaine pour l'eurodéputé ex-verts. Cela fait à peu près trois ans qu'il nous la sert. Elle lui a permis de prendre ses aises en région PACA et de régner avec ses sbires sur un tas de cendres, pardon, sur le MoDem local. Il me semble pourtant que l'UDF existe toujours puisque son comité de sauvegarde (j'ignore l'appellation exacte) devrait se réunir dans les prochains mois, preuve qu'elle ne s'est pas dissoute. Elle a seulement adhéré pour trois ans au MoDem lors du congrès de Villepinte en décembre 2007. Il n'est d'ailleurs pas évident que la ligne Bayrou soit encore majoritaire dans ce fameux comité. On pourrait aussi gloser sur la maladresse du vice-président orange qui n'hésite pas à assimiler l'adhésion à son mouvement à la mort.
Deuxième raison de hausser un sourcil. JLB serait la preuve vivante de l'existence du centre-gauche qui n'est pas le centrisme traditionnel, c'est-à-dire l'ancienne UDF... Faut-il lui rappeler qu'au cours des deux dernières élections les pires scores « démocrates » de France métropolitaine ont été réalisés par lui et ses sbires (Levraud et Madrolle pour les régionales) ? S'il incarne une preuve, c'est bien celle de l'échec et de la vacuité de cette ligne de « centre-gauche ». 2,51 % au printemps dernier en PACA.
Dans son numéro 130, la revue Commentaire proposait un article de Pierre Martin qui analysait les résultats des régionales (p.464) :
L'échec du MoDem
Avec seulement 4,3 %, le MoDem subit un échec sévère, ne pouvant se maintenir que dans une seule région, l'Aquitaine, ou la liste menée par le député Jean Lassalle obtient 10,4 %. Deux phénomènes concourent à expliquer l'échec du MoDem : la faible notoriété des têtes de liste et la faible lisibilité de sa stratégie. Ayant perdu l'essentiel des notables de l'ex-UDF, François Bayrou a dû souvent investir des candidats très peu connus et sans implantation : il est significatif que dans les trois autres régions ou le MoDem dépasse les 5 % (Basse-Normandie 8,9 %, Bretagne 5,4 % et Centre 5,1 %) ses listes étaient menées par des candidats bien implantés (28). Dans un scrutin à deux tours et à logique d'alliance, la volonté d'indépendance de François Bayrou entre en contradiction avec les intérêts partisans du MoDem et ne permet pas de donner un sens à ce vote. La faiblesse du MoDem et l'ampleur de l'avance des socialistes qui n'ont pas besoin de lui dans les rares régions ou il dépasse les 5 % permettent paradoxalement à François Bayrou de conserver sa situation d'indépendance vis-à-vis des deux principales forces, l'UMP et le PS, dont il veut briser la domination lors de la prochaine présidentielle, même si sa crédibilité est fortement entamée par les défaites successives du MoDem depuis 2007.
Rodolphe Thomas, maire d'Hérouville-Saint-Clair, Bruno Joncour. maire de Saint-Brieuc, et Marc Fesneau, conseiller régional sortant et maire de Marchenoir.
Je suis surpris que cet analyste n'ait pas poussé plus loin son raisonnement post-européennes. Il me semble pourtant évident que le MoDem a perdu son électorat de base, d'origine UDF. Tous les candidats à avoir fait un score intéressant sont d'anciens UDF clairement identifiés. En PACA, la notoriété de Catherine Levraud doit valoir celle de Marc Fesneau, mais l'électorat ne s'est pas reconnu dans les démocrates écologistes. Même chose en Alsace, où Yann Wehrling parvient à faire un très mauvais score dans un territoire très marqué par le centrisme. Le mouvement est bon prince, malgré la déroute, ce dernier est devenu le porte-parole de l'équipe fantôme (on peut comprendre pourquoi ils n'ont pas traduit l'expression anglaise sur le site officiel).
Aussitôt nommé, aussitôt interviewé. Avec le même manque de rigueur, il nous explique l'échec de leur dialogue avec des gens « plutôt à gauche » (pour mémoire, lors des régionales, la consigne était que s'il devait y avoir alliance, elle ne pouvait se faire qu'à gauche), mais, bien évidemment, le MoDem n'a pas tenté de basculer à gauche. En fait, les anciens verts font exactement la même erreur que les néo-centristes en 2007. Le centre-droit ou gauche peut renvoyer à des idées ou à des alliances. Pour le NC, le centre-droit ne pouvait s'allier qu'avec la droite, pour JLB, le MoDem ne peut s'allier qu'avec la gauche... Ceci explique ce tir de barrages des anciens verts qui fait presque figure de communication de crise. Leur ligne a fait long feu (c'est peu de le dire). Peut-être que François Bayrou est en train de s'en convaincre.
Avant de chercher à s'allier, les différentes familles du Centre doivent se retrouver, s'organiser, engager une réflexion pour espérer peser. Elles ne paraissent pas avoir d'autres options. Malheureusement, pour l'instant, seul Jean Arthuis en est persuadé...