mardi 9 février 2010

Le MoDem ou la voiture balai pour les déçus de la gauche plurielle

La déliquescence progressive de Mouvement Démocrate ne m'enchante pas. Avec lui, c'est l'idée même d'une troisième voie en France qui s'étiole. Quoique, dans certains cas, on peut se demander si, en fait de troisième voie, le projet de certains n'est pas de constituer une arche de Noé des déçus de la gauche plurielle.

Ainsi, alors que la litanie des départs et autres démissions n'en finit plus, certains blogs et même la lettre du démocrate se gargarisent de quelques ralliements. Or, si on creuse un peu, il n'y a pas de quoi se réjouir.  

Dans la lettre démocrate n°19, on annonce ainsi une double arrivée :  


Samy Kéfi-Jérome et Henri Ségard ont rejoint le Mouvement Démocrate
Le responsable fédéral du PS de Haute-Loire, Samy Kéfi-Jérome, et le 1er vice-président de la communauté urbaine de Lille, Henri Ségard, ont rejoint leMouvement Démocrate.

Un petit tour par la presse régionale permet d'éclairer cette soudaine attractivité démocrate. Pour le premier, qui n'était en fait que secrétaire fédéral à l'animation militante, on apprend que « la liste régionale du PS était faite depuis la fin mai 2009 dans un simulacre de démocratie ». Ce qui après passage à l'anti-langue de bois signifie : je n'ai pas eu la place que je voulais. [modification du 20-02 : il semblerait que cette histoire soit encore plus complexe d'après le quatrième commentaire de ce billet par Gilles Rossary Lenglet]

Le second a un parcours plus acrobatique. D'abord élu sur une liste UMP (sic), il est devenu par la suite vice-président de la communauté urbaine de Lille sous la direction de Martine Aubry (sans doute avons-nous affaire à un gaulliste social...) ? Pourquoi ne pas figurer sur le liste PS alors (quand on collabore avec la patronne du PS, on a des manches) ? « J'aurai pu rester en retrait. Mais à 53 ans, quand on a envie de contribuer au débat, il ne faut pas rester sur le banc de touche ». Visiblement, le PS n'a pas daigné l'appeler pour constituer sa liste. Heureusement, le MoDem est là.

Enfin, la région PACA. La lettre démocrate n°18 annonçait le départ de Nadine Péris du PS pour rejoindre la liste MoDem (pas le parti en lui-même... on veut bien une place mais on ne va quand même pas filer 20 € à Bayrou). Le communiqué est un modèle du genre. On quitte le PS à cause des querelles intestines (une tare inconnue au Mouvement démocrate) et face à l'amicale pression de ses amis, on décide de tourner casaque, mais attention, ce n'est pas par opportunisme (pensez-vous), on a toujours fait de la politique au-delà des clivages et en plus on est social-démocrate... ce qui en langage madrollien signifie socialiste-compatible. Voilà pour l'habillage. Une courte recherche dans la presse régionale permet de déchirer un peu le voile. En fait, le PS ne lui réservait qu'une dixième place non-éligible sur sa liste vauclusienne. 21 jours plus tard, on se découvre social-démocrate et numéro deux sur la liste orange. Après tout, elle a fait partie, comme la chef de file démocrate, de la majorité sortante pendant 6 ans...

Hier enfin, Cyril Di Méo annonçait (avant même l'annonce officielle) qu'il était dixième sur la liste MoDem dans les Bouches-du-Rhône. Ce n'est que cet homme politique ne soit pas de qualité et il est parfois rafraichissant de lire ses analyses contre la décroissance sur son blog. Mais il s'est toujours posé comme un homme de gauche. Lorsqu'il a quitté les Verts, il a même participé à la création d'une association intitulée GAGE (Gauche Écologiste – Génération Aix). Étant donné ses rapports conflictuels avec ses anciens camarades (il n'a pu participer aux dernières municipales grâce à leurs amicales pressions), on peut aisément conjecturer que son téléphone n'a guère sonné. Ainsi, il est le troisième ancien vert (non-encarté MoDem celui-là) dans les dix premiers. Je suppose que les têtes de la Fédération n'ont pas dû s'arrêter en si bons chemins.

Réunir au-delà des clivages traditionnels constituait l'ADN du MoDem. Mais ici, à deux mois des échéances électorales, on a des ralliements de dernière minute, opportunistes ou bien de personnes dont l'engagement démocrate pose sérieusement question. En fait de rassemblement, le MoDem se mue en voiture balai des déçus des listes de gauche.

6 commentaires:

  1. Point de vue que trop lucide.
    "Ô tempora Ô mores" en politique.

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  2. Je vois que nous sommes nombreux à être plongés dans un certain désarroi au MoDem...
    Je ne sais pas s'il s'agit d'une perception biaisée par les médias ou si défection en masse il y a véritablement...
    Quoiqu'il en soit, François Bayrou doit s'adresser d'urgence à ses sympathisants !

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  3. Malheureusement, même en première position sur une liste MoDem personne ne peut être sûr d'être élu, car il faudra pour cela franchir le cap des 10% et c'est loin d'être gagné. Si les départs vers E.E. ou l'UMP ou le PS se sont fait sur des listes ou ils peuvent être sûr d'être élus, ce qui explique leurs départs, il n'en est pas de même dans l'autre sens.
    En plus il ne faut pas voir que les "laissés pour compte" des socialistes qui viennent dans notre voiture balai, il y a aussi des "laisés pour compte " anciens UDF et même RPR qui nous ont rejoint sur nos listes notamment en Aquitaine.
    Si vous avez la nostalgie de la troisième voie, vous ne devriez pas vous appliquer à détruire ce qu'il en reste mais plutôt essayer d'aider à sa reconstruction. Une Marguerite en Provence c'est si joli qu'il serait dommage de ne pas en semer tout au long de notre chemin vers l'humanisme et la démocratie.

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  4. @ Thierry P.

    C'est dans de pareils cas que "faire de la politique autrement" sonne bizarrement...

    @ Nemo

    Bonjour et bienvenue sur ce blog. Mon désarroi n'est pas neuf... c'est bien pour cela que j'ai quitté le mouvement.

    Si changement dans la ligne de François Bayrou il doit y avoir, ce ne sera pas avant les régionales à mon avis.

    @ Andre777 :

    Je ne suis pas hémiplégique. Si d'anciens RPR rejoignent le MoDem maintenant, c'est tout autant de l'opportunisme. Il n'empêche que la communication interne au MoDem met d'abord en avant ceux qui viennent de la gauche.

    Quant au reste... Je ne pense pas avoir de leçons à recevoir sur ma petite contribution à l'existence d'une troisième voie. Tant que j'y ai cru, j'ai milité, tracté, boîté, porte-à-porté, participé aux réunions, au travail des commissions, participé comme candidat... Je crains malheureusement que pour de nombreux dirigeants du MoDem, l'objectif ne soit pas la troisième voie mais seulement de s'agréger à une nouvelle gauche plurielle qu'on aura tôt fait de rebaptiser arc-en-ciel. J'ai peut-être une vision réductrice mais quand vous avez comme leaders locaux le duo Bennahmias/Madrolle, difficile de croire le contraire.

    Cependant, vous avez raison sur un point, ce blog n'étant plus collaboratif depuis un bout de temps, il faudrait que je diversifie mes thèmes de billet au risque de tomber dans le piège du "MoDem-bashing" systématique ;-)

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  5. Bonjour je tiens à préciser 2 choses:
    Premièrement Samy Kefi-Jérome est dans la Loire (42) et non la Haute Loire (43)
    Deuxièment il n'était pas candidat aux régionales et cela depuis le début, je peux en témoigner étant à la commission électorale du PS dans la Loire.
    Nous regrettons tous son départ qui est une vraie perte militante pour notre département
    Gilles Rossary Lenglet

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  6. @ Gilles Rossary Lenglet :

    Bonjour et bienvenu sur ce blog.

    Merci pour ces précisions, elles ne font que confirmer mon impression.

    Je n'ai fait que reproduire le contenu de la lettre démocrate. J'avoue ne pas avoir poussé plus avant la vérification des informations qui y étaient contenues (elles n'étaient pas forcément utiles à mon argumentation).

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