vendredi 24 avril 2009

Des rentiers de la politique

L'entrée en campagne pour les élections européennes dans les grands partis s'avèrent plutôt laborieuses.

En février dernier, Vincent Peillon avait déjà montré son enthousiasme pour la circonscription sud-est. Sur Europe 1, il expliquait, en tenant « des paroles de vérité », qu'il s'agissait d'un « crève-coeur ». Un candidat qui se désole de solliciter le vote des électeurs, voilà une entrée en matière... inédite. Malgré les tentatives postérieures pour rattraper ce faux-pas, son parachutage n'en sortit pas grandi. Les scrutins de liste font jouer les appareils, ce n'est pas une nouveauté. Or, Monsieur Peillon est un homme d'appareil et il doit à celui du PS l'essentiel de sa carrière. Dans son interview de fin février, il y avait quelque chose de curieux dans l'auto-satisfaction d'un secrétaire fédéral qui s'approprie tous les succès socialistes récents en Picardie tout en escamotant ses deux défaites personnelles consécutives aux législatives. Il y avait quelque chose de gênant dans sa manière de faire porter la responsabilité de ses échecs sur les seules positions de son parti sur la chasse (sic). De même, comment comprendre la mise en avant de la rénovation (tous les élus n'ont qu'un seul mandat en Picardie grâce à lui) et sa défaite en 2007 aux législatives ? Sans doute son mandat européen, obtenu en 2004, ne l'intéressait qu'assez peu, comme le prouve son assiduité médiocre au Parlement de Strasbourg

Comment en arrive-t-on alors à ce parachutage ? La peur de la traversée du désert a, semble-t-il, soigné son déracinement picard (quoique le CNRS lui a déjà ouvert ses portes lors des années de disette électorale entre 2002 et 2004), et qu'importe le lieu du tant qu'il ait une place. Pourquoi est-il envoyé dans notre circonscription ? Il appartient à un courant minoritaire du parti, sa popularité personnelle en Picardie pose question et l'ancien tête de liste socialiste dans le Sud-Est, Michel Rocard, ne se représente pas. Ainsi, son éviction était compréhensible et son parachutage aussi... le Sud-Est étant une place-forte "royaliste"... Ou alors, s'il était réellement attaché à sa région, il pouvait rester dans le Nord-Ouest mais plus en tant que tête de liste... Curieusement, il n'a pas évoqué cette possibilité... plus inconfortable.

Pour faire écho à l'épisode Peillon, le ministre de la Justice vient aussi de prouver toute la profondeur de son engagement européen  . Après le déchaînement anti-Dati hier, les contre-feux ont été allumés... Alors, certes, l'extrait d'Europe 1 était particulièrement calamiteux, mais le sujet du Petit Journal, s'il apporte une nuance, n'invalide pas toutes les critiques. 

Pêle-mêle, les arguments à décharge sont les suivants : c'était un jeu, c'était de l'humour, c'était avec les Jeunes populaires. Certes, puisque c'est un jeu, on comprend mieux les rires et le caractère décousus du propos ministériel, mais pas sa faiblesse. Après des réponses valables et enjouées sur Rome et la Sagrada Familia, on reste confondu devant la nébulosité du propos sur l'énergie et plus encore sur le rôle de l'Europe. Quel est donc cet humour qui ressemble aux gloussements de l'élève pris en défaut ? Un petit sourire, des ricanements et on tente de masquer ses insuffisances. Drôle d'humour que de vouloir passer pour incompétent dans une campagne électorale ou de vouloir faire rire à ses dépens... Enfin, quand bien même ce jeu était-il organisé par le mouvement jeune de l'UMP, pourquoi ne pas avoir mis un peu de fond ? Une ambiance détendue n'implique pas nécessairement la vacuité du propos... ou alors faut-il comprendre que les Jeunes populaires ne méritaient pas mieux ? En la matière, il semblerait bien qu'une mauvaise cause n'ait pas de bons arguments. Si on réfléchit, on a plutôt l'impression que l'ambiance ludique et amusée désinhibe le ministre qui révèle son authentique impréparation sans y prendre garde.

Pourquoi mettre en relation ces deux épisodes ? M. Peillon comme Mme Dati ne sont pas des perdreaux de l'année en politique. Malgré leurs conseillers et le lissage de la communication, ils ont choisi d'entrer dans la campagne de manière, au mieux, désinvolte. Mais ils ne craignent rien car ce sont les bénéficiaires d'une rente politique. Même avec une mauvaise campagne et un score catastrophique (on dira inférieur à 20 %), le n°1 de la liste socialiste dans le Sud-Est et la n°2 UMP en Ile-de-France sont certains d'être élus. C'est là un des méfaits de la bipolarisation de la vie politique. Pour ces personnes, ces élections n'ont d'autre enjeu que de leur assurer une place et les luttes de pouvoir dans leur parti leur ont permis d'en avoir une. Electeurs, circulez, il n'y a plus rien à voir, ces gens sont déjà eurodéputés... On comprend pourquoi aussi bien à l'UMP et au PS on ne veut pas entendre parler d'un troisième pôle politique en France... Mais à trop considérer les choses comme acquises avant le vote, les Français pourraient montrer leur attachement à une véritable démocratie pluraliste ainsi qu'à des candidats plus soucieux de l'Europe et de leurs électeurs. 





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