D'Aubigné me pardonnera ce vilain plagiat. En novembre dernier, j'écrivais un long billet sur la double-tragédie du Centre. Les régionales ont illustré son dénouement : les deux mouvements qui se sont constitués en 2007 sur les décombres de l'UDF ont échoué et pour l'instant, ils n'ont pas prouvé qu'ils avaient saisi les enjeux pour leur famille politique. Les discours et autres conseils nationaux d'après-scrutin se complaisent dans le déni des réalités.
A tout seigneur, tout honneur, je commencerai par mon ancien parti le Mouvement Démocrate. La conférence de presse de François Bayrou présentait un contraste saisissant entre le propos assez grandiloquent sur l'état de la France et le caractère microscopique (microcosmique si j'osais le néologisme) d'un ajustement dans l'appareil partisan. Le livret orange réduit à un bol d'eau tiède, la désorganisation du mouvement, le départ de CAP21 (ce qui signe l'échec de la nouvelle structure pour élargir sa base électorale), tout sera réglé par la nomination d'un secrétaire général inconnu... Peut-être Marc Fesneau est-il quelqu'un de compétent, mais créer un nouveau poste alors que les secrétaires nationaux thématiques ne sont toujours pas désignés ne paraît pas spécialement adapté.
Sa première interview me laisse, au surplus, dubitatif. Pêle-même, on le voit donner des leçons de constance (trois stratégies en trois ans, en effet le MoDem est un parangon de constance...), affirmer la filiation entre l'UDF et le MoDem (pourquoi ne l'a-t-on pas entendu plus tôt ?), affirmer que les régionales ne constituait qu'un accident (ce n'est que le quatrième revers en autant de scrutins... j'y vois plutôt une confirmation), que le Mouvement est relativement neuf (j'ai déjà donné mon avis là-dessus) ce qui excuse ses errements (mais bizarrement la même jeunesse est un élément à charge pour le Nouveau Centre) et qu'il n'y a pas d'élections majeures dans les deux ans à venir (après avoir perdu les députés, les maires, la moitié des eurodéputés, les conseillers régionaux, le Mouvement peut perdre ses derniers élus sénateurs et conseillers généraux...). Si la langue de bois sur les départs fait partie du jeu politique, rien de nouveau sous le soleil par ailleurs.
Sur l'autre rive, le propos est plus riche, mais tout aussi contradictoire. Avant les régionales, Hervé Morin s'était fendu d'une déclaration affirmant que le Centre était reconstruit (voir l'actualité du 20 janvier 2010 Pour Hervé Morin «l’étape de la reconstruction» du Centre est terminée). En fait de reconstruction, les régionales ont été aussi calamiteuses. Ce scrutin n'a pas permis au NC de se faire connaître et pour cause... une nouvelle fois il ne s'est pas présenté sous ses propres couleurs. Il y a même quelque chose de pathétique à le voir systématiquement, avant les élections, annoncer sa volonté d'indépendance au premier tour pour finir dans le giron de l'UMP, quelles que soient les avanies aux quelles il est soumis (exemple parmi tant d'autres en Vendée). Ainsi, toutes les déclarations sur la présentation de liste NC passent pour de vaines rodomontades. L'UDF d'aujourd'hui ? Non, de simples supplétifs de l'UMP tout juste bons à rajouter un logo de plus sur les professions de foi. Mais, le déni est aussi puissant qu'au MoDem... Lors de son dernier conseil national, Hervé Morin a même affirmé qu'il avait eu raison et que sa stratégie était une réussite.
Or, l'ensemble des partis centristes se situent à un étiage électoral particulièrement bas. En définitive, le Centre est tombé dans le piège patiemment construit par le RPR/UMP. Le MoDem a échoué en se positionnant comme une seconde opposition, à trop singer la gauche, les électeurs ont préféré l'original. Le Nouveau Centre n'est pas parvenu à incarner le centre-droit en confondant alliance et vassalisation. Un élément majeur, qui explique ce double-échec, réside dans l'atomisation de la famille centriste : divisée elle n'atteint pas la masse critique pour faire figure d'interlocuteur sérieux.
J'ai cru que l'appel du 25 mars marquait une inflexion, que constatant leur échec, les centristes allaient chercher à se réunir. Mais non, les uns s'enferrent dans un discours de la vertu, les autres dans celui de l'allégeance. Bayrou a relégué ce projet au rang de manœuvre (mais comment appeler la soudaine ressortie de la stratégie de 2007 ?) et les propos de Morin attestent une signification très particulière de ce qu'il appelle l'indépendance. Il a, semble-t-il, oublié que le projet de l'UDF depuis 1978 a toujours été de concurrencer la droite gaullo-conservatrice, pas d'en être la mouche du coche. Le propos de Jean Arthuis est plus nuancé, plus proche de la voie stratégique d'un centre indépendant telle qu'elle avait été évoquée par Jean-Louis Bourlanges. Le passage demeure étroit. S'il est douteux que le RPR/UMP accepte la reconstitution d'un réel pôle central après avoir bataillé pendant un quart de siècle pour l'éliminer, un centre-droit allié mais non pas subordonné peut constituer une première étape dans une véritable refondation centriste.
Encore faut-il faire les bons choix. L'appel du 25 mars fait état d'une fusion alors que le projet initial était de reconstituer une grande confédération. On peut comprendre l'intérêt du Nouveau Centre. Il peut changer de nom. Il ne s'est pas imposé dans l'opinion publique. Il peut aussi se refaire une virginité médiatique à peu de frais. En revanche, cela paraît curieux pour l'Alliance centriste. La structure est jeune, en cours d'organisation... Même s'il s'agit d'un petit parti, ses adhérents ont fait un choix différent des néo-centristes. Si ce rapprochement peut aboutir à une fusion des composantes, le faire de manière précipitée reviendrait à sacrifier son originalité, ouvrir la porte à une simple mise à jour du Nouveau Centre et donc à l'échec du projet.
Je pensais qu'une déroute électorale provoquerait une remise en cause des leaders centristes et la prise de conscience du délabrement de cette famille politique. La déroute a eu lieu... pour le reste, rien n'est moins sûr...