Le week-end dernier a été occupé, au Centre, par la création d'un nouveau parti : l'Alliance Centriste. Ce nom, qui relève plus du souhait prospectif que du constat, désigne la conversion en parti politique de l'association « Rassembler les Centristes » fondée par Jean Arthuis il y a un peu plus d'un an.
Le positionnement du sénateur Arthuis s'avère complexe à appréhender. Son objectif est de constituer une « confédération centriste » sur le modèle de l'UDF de 1978 et ainsi de refonder le Centre affaibli par ses divisions successives. Soit. Pour cela, il affirme avoir noué des contacts avec des responsables du Parti Radical, du Nouveau Centre et des membres du MoDem (sic... nuance qui a son importance). Il affirme vouloir être indépendant tout en étant solidaire de la majorité présidentielle. Voilà pour le projet.
Pour les membres de la marguerite, Jean Arthuis est quelqu'un d'estimable et la lecture de ses analyses en matière économique souvent éclairante, quoique le centrisme arthuisien soit clairement libéral (ici, ce terme n'a pas valeur de récrimination). Il a suivi François Bayrou lors de la création du MoDem pour le quitter lors des municipales de 2008 : il souhaitait une stratégie claire d'alliance avec l'UMP. Même si ses critiques ont été dures à l'encontre du MoDem, il a eu le mérite de ne pas jouer de l'insulte ou de l'imprécation. C'est pour cela que l'hypothèse selon laquelle Jean Arthuis serait téléguidé seulement pour nuire à François Bayrou et réussir là où le Nouveau Centre a échoué ne nous paraît pas plausible. Le sénateur Arthuis nous semble sincère (autant que peut l'être un homme politique), ce qui ne signifie pas pour autant que nous partageons toutes ses analyses.
L'idée d'une confédération des centres est séduisante. Sans partager complètement l'enthousiasme du CREC, force est de constater que le Mouvement Démocrate n'a pas su, pour l'instant, s'imposer comme un mouvement de masse et que, peu ou prou, ses résultats sont ceux de feu le CDS. En outre, le chaos consécutif à sa création n'en a pas fait une instance où le débat est aisé. Le pluralisme a du mal à s'y exprimer sereinement. Or, la question de la forme du Mouvement s'est posée en 2007. Nous nous souvenons du discours de François Bayrou à Marseille en juillet 2007 expliquant son choix d'un mouvement unitaire. L'UDF de Giscard était traversée de tensions très fortes, il n'empêche que le lien souple d'une confédération avec des partis aux idées proches, quoique différentes, constitue une alternative à prendre en compte.
Les partis ciblés par le sénateur ont-ils des choses en commun ? Le Nouveau Centre est composé de personnes qui ont fait et soutenu le programme présidentiel de François Bayrou en 2007. Certes, ils se sont fourvoyés après, mais comme l'a prédit le président du MoDem en février 2008 : « nous nous retrouverons » (écoutez à partir de 4 minutes 40). Il en va de même avec la partie programmatique du discours d'Arthuis qui ne pose aucun problème de compatibilité avec celui du Mouvement :
Notre identité se décline en valeurs humanistes, libérales, sociales et européennes. Nous sommes adeptes du développement durable et de l’économie sociale de marché. La crise à laquelle nous devons faire face est une épreuve majeure pour la France, pour l’Europe et pour le monde. Pour la première fois, nous prenons conscience des défis que nous impose la globalisation : comment arrêter la machine à exacerber les inégalités monstrueuses et à briser la cohésion sociale ? comment freiner la combustion des ressources rares et stopper le réchauffement de la planète ? Comment mettre un terme à la cupidité prédatrice de l’hyper financiarisation et briser les dérives insupportables du capitalisme financier ? comment donner à l’Europe sa vocation régulatrice et protectrice en rassemblant des Etats encore accrochés à une souveraineté illusoire ?
Cette crise n’est pas seulement mondiale, économique, financière et sociale. Elle est une crise de l’art de vivre ensemble et des dévoiements de la pratique démocratique. Comme si les arbitrages politiques, du fait de l’horizon « court-termiste » dicté par les échéances électorales, devaient aboutir systématiquement à des déficits de nos finances publiques, à un amoncellement de dettes et à des réponses teintées de démagogies. Les enjeux de pouvoirs, écrasés par la double tyrannie de l’immédiateté et de l’annonce médiatique, n’ont-ils pas altéré les exigences de vérité, de lucidité et de courage ?
Il peut y avoir des nuances, mais, très honnêtement, qui pourrait être contre et se dire démocrate ? On se demanderait presque pourquoi il est apparu nécessaire au sénateur Arthuis de créer un nouveau parti... Quant au parti radical, ne connaissant qu'assez peu ses prises de position spécifiques, on peut lui donner quitus à ce sujet.
La différence, comme souvent, est stratégique. Tout au long de son discours, le président de la nouvelle Alliance Centriste balance entre deux écueils : l'indépendance (qui fait défaut au Nouveau Centre) et la solidarité avec la Majorité Présidentielle (alors que le MoDem est dans l'opposition). C'est là le noeud du problème, si ce projet est honnête. Le MoDem n'est pas miscible à la majorité et le Nouveau Centre ne peut pas réellement s'autonomiser. D'autre part, est-il possible d'être dans la majorité et réellement indépendant ? Rien n'est moins sûr, l'UMP, en bon RPR rebadgé qu'elle est, admet difficilement la dissonance en son sein. Un exemple avec l'ancien euro-député Thierry Cornillet. Il a suivi le même parcours qu'Arthuis mais a rejoint le Parti Radical. A-t-il démérité durant son mandat ? Sans doute non. Et pourtant, après l'échec de la piste Ferry pour la deuxième place dans la région Sud-Est, l'UMP a préféré l'accorder à Damien Abad, récemment parachuté du Sud-Ouest... Il y a là comme un signe.
Deuxième écueil : le positionnement par rapport à la droite. La droite modérée, telle qu'elle pouvait être incarnée autrefois par le Parti Républicain, n'existe plus. Le gaullisme non plus d'ailleurs. Du coup, l'UMP est un grand parti de droite libéral-conservateur. Dès lors, il est difficile d'être allié et indépendant. Il faut atteindre une certaine masse critique pour se poser en véritable interlocuteur. Or, le rapport de force n'est pas du tout en faveur du centre seul (y compris si on ajoute toutes ses diverses incarnations). Surtout, M. Arthuis feint d'oublier un élément essentiel : la droite ne veut pas d'un véritable centre (tout comme la gauche d'ailleurs). Depuis 1978, les gaullistes n'ont eu de cesse de vouloir phagocyter le Centre et la création de l'UMP en 2002 a bien failli y réussir.
Troisième écueil : le chef. Jean Arthuis dénonce le bonapartisme du Mouvement (1). Plusieurs réflexions... Ce bonapartisme a été bien utile depuis 2002 pour faire subsister un centre indépendant en France. Sans François Bayrou, l'essentiel de la nouvelle UDF aurait été absorbée par l'UMP. Il n'y a qu'à voir ce que sont devenus les « centristes » de l'UMP pour se convaincre du bien fondé de ce choix. De plus, le sénateur oublie un peu trop vite que la première UDF était la créature de Valéry Giscard d'Estaing. Cette confédération a fonctionné tant que son leader a eu du poids. VGE quitte sa présidence en 1996, deux ans plus tard, Démocratie Libérale (l'ancien Parti Républicain) prend son indépendance et fait éclater la confédération. Aussi, même si le fonctionnement du MoDem n'est pas sans reproche (on a vu les méfaits d'une hyper-centralisation sur la personne du chef lors des dernières européennes), il n'y a pas de parti sans grand leader. Au centre comme ailleurs. Or, le seul a en avoir l'étoffe, c'est François Bayrou.
Il ne peut y avoir de Centre que s'il est réellement indépendant des deux autres bords. S'il s'aligne sur l'un d'eux, il est appelé à disparaître ou n'être qu'un parti croupion. L'initiative de Jean Arthuis a au moins un mérite : celui de proposer la réunion de tous les Centres.
(1) Si on voulait se montrer taquin, on pourrait remarquer que l'héritier de la Maison Bonaparte a rejoint le Mouvement Démocrate.
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