Tout d'abord, on y parle d'Europe, pour une fois qu'un interviewer ne cherche pas à enfermer les démocrates dans le seul rôle des opposants à la politique UMP. Les propositions de notre euro-député peuvent être regroupées autour de trois axes : l'engagement européen, la politique de soutien à l'innovation et les perspectives pour l'Europe.
1°/ L'engagement européen
L'idée-force exposée par Jean-Luc Bennahmias est la constitution d'une avant-garde européenne appuyée sur l'euro-groupe. Etonnamment, cette proposition a fini par séduire les europhiles voire euro-enthousiastes qui composent la Marguerite. Sans renier le fédéralisme d'essence démocrate-chrétienne, cette idée constitue une concession au principe de réalité. On ne peut plus soutenir la validité d'un projet fédéraliste à court ou moyen terme à vingt-sept pays, voire plus. En revanche, la stagnation de la construction européenne ne peut qu'encourager les projets d'Europe à la carte d'inspiration anglo-saxonne, qui sont, pour nous, le déni du projet européen.
Or, l'intégration est plus que jamais nécessaire dans un espace mondialisé et une économie globalisée : les politiques nationales sont vouées à l'échec ou à l'impuissance. En lieu et place d'une vague coordination de plans nationaux, Jean-Luc Bennahmias réaffirme l'importance du cadre continental. La dernière livraison de la Revue pour l'intelligence du monde rapportait encore dernièrement les propos de Dominique Strauss-Kahn : « Aujourd'hui, l'erreur principale serait de sous-estimer la profondeur de la crise : nous sommes vraiment dans la Grande Récession... »... (1) D'autres évoquent la pire crise depuis 1929. Or, cette crise n'avait pas eu lieu avec une telle division internationale du travail. « Le plus probable n'est-il pas d'ailleurs que la crise actuelle apparaîtra de plus en plus en ces temps de mondialisation comme de nature totalement inédite, réclamant donc une médecine également inédite ? Auquel cas, on a toutes les raisons de s'inquiéter. » écrit Renaud de Rochebrune dans la Revue (2)... Les propositions du MoDem vont dans ce sens. Si les faux remèdes protectionnistes n'ont pas ou peu été mis en oeuvre, les politiques de relance n'ont pas réellement changé d'échelle, elles ne se sont pas adaptées à un monde massivement interdépendant. Bernard Lehideux, eurodéputé démocrate de l'Ile-de-France, était parvenu en début d'année à faire adopter par le groupe ADLE puis par le Parlement Européen l'idée d'un emprunt communautaire de 3 %. Cela aurait été l'occasion d'augmenter le budget européen et de faire autre chose que de la dette nationale à l'efficacité plus que douteuse. Certains se sont beaucoup agités, mais, après huit mois de crise effective, le traitement de la crise n'a été ni innovant, ni efficace.
La relance des eurorégions apparaît donc dans la bouche de Jean-Luc Bennahmias comme la traduction locale de cette logique euro-active : passer de la concurrence libre et non faussée à une réelle coopération créatrice de compétitivité.
2°/ Ceci passe par une politique de soutien à l'innovation.
Tropisme écologiste oblige, notre eurodéputé évoque en priorité le développement des énergies alternatives (géothermie, solaire, hydro-électricité, bois, agrocarburants à usage proximal). Preuve de son éloignement du dogmatisme verdâtre, il ne récuse pas le projet ITER, tout en remarquant son impact à long terme... Une position équilibrée. Du fait de la division internationale du travail, l'Europe est condamnée à l'innovation pour demeurer compétitive. Or, les budgets de recherche et développement demeurent plus faibles que dans le reste de l'espace triadique (1,9 % du PIB, contre 2,7 % aux Etats-Unis et 3,2 % au Japon, chiffres de 2006).
Pour y remédier, Jean-Luc Bennahmias évoque le soutien aux PME, plus souples et souvent plus dynamiques, par un accès privilégié aux marchés publics. Toute intervention dans le jeu économique peut avoir des effets imprévus voire néfastes. Ce type de mesure requiert précision et prudence, mais on ne peut que regretter l'échec du Nouveau Centre de n'avoir pu concrétiser un « small business act » à la française... proposition qui apparaissait dans la « plate-forme » législative NC-UMP (et qui ne faisait que reprendre le programme présidentiel de François Bayrou).
3°/ Ce soutien ne se comprend qu'en changeant de perspective.
Jean-Luc Bennahmias dégage deux axes. Tout d'abord le nécessaire dépassement du traité de Nice par l'adoption du volet «institutionnel » du TCE dans un langage simplifié, les amodiations successives des Conseils Européens ayant contribué à le rendre illisible et donc peu ou pas acceptable démocratiquement. Deuxième piste de réflexion : la lutte anti-dumping. Le libre-échange sans garantie de libre-concurrence loyale est un non-sens, une véritable prime au pire, l'exact opposé du projet humaniste. Notre député donne un exemple précis avec la réglementation REACH sur l'usage des produits chimiques. Où est la pertinence d'imposer une réglementation contraignante pour protéger la santé de nos concitoyens et notre environnement si on permet l'entrée de produits étrangers qui la violent ? Ce problème est sans doute faussement simple, mais il est nécessaire de revoir les équilibres actuels de la mondialisation, entre libre-échange, bon sens et protectionnisme.
La campagne prend forme et c'est tant mieux.
(1) La Revue pour l'intelligence du monde, n°20-21, p.24.
(2) La Revue pour l'intelligence du monde, n°19, p.47.
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